Chapitre 2

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Dimanche 28 juillet 2019

Tout juste arrivée à la plage Centrale, Elisabeth sentit son ventre se contracter lorsqu'elle reconnut Léo qui sortait de l'eau pour venir à sa rencontre. Ainsi, il était bel et bien au rendez-vous – bon, d'accord, bien qu'il ne s'agissait pas réellement d'un rendez-vous. Pourtant, toute la nuit, elle n'avait cessé de se retourner dans son lit en se demandant s'il viendrait. Il faut dire qu'elle espérait plus qu'elle n'y croyait vraiment. Et à présent, il se tenait là, à seulement quelques mètres d'elle.
Mais maintenant ?! Elisabeth ignorait de quelle manière le saluer. Devait-elle lui faire la bise ? En un sens, on pouvait considérer qu'ils étaient amis... Et Clara était censée être quelqu'un d'extravertie et de sûre d'elle, quelqu'un qui n'allait pas se laisser intimider par un malheureux petit bisou sur la joue ! Alors hors de question de jouer les manchots et de rester froide comme un pingouin de l'Antarctique... En même temps, Elisabeth avait appris dans son dernier cours sur les civilisations que faire une bise pouvait être perçu comme une intrusion dans la « zone intime » par certains pays du nord de l'Europe. Loin d'elle l'envie d'effaroucher Léo et qu'il la prenne pour une allumeuse ! Le problème, c'est qu'elle ne parvenait à se souvenir si les Pays-Bas faisaient partie de cette liste... Au pire, elle pouvait toujours lui faire un simple petit signe de tête. Elle n'allait quand même pas lui serrer la main, non ?!
Elle n'eut pas le temps de réfléchir davantage sur les perceptions culturelles de ce rituel social que, Léo, bien loin de se poser toutes ces questions, se penchait déjà vers elle et hérissait ses cheveux mouillés pour l'arroser.
— Tu es en retard ! J'ai déjà fait au moins dix surfs, la nargua-t-il en lui faisant la bise (voilà, elle avait sa réponse !).
— Sérieusement ? Alors, c'est parti !
Ses appréhensions et toutes ses interrogations sur la manière de se conduire aussitôt envolées, Elisabeth courut à sa serviette enlever ses vêtements. Elle avait tellement hâte de passer la journée sur l'eau en compagnie de Léo !
Et tandis qu'elle enfilait sa combinaison, ce dernier s'enquit :
— Au fait, tu cuisines bien ?
— Euh, oui assez. Pourquoi ?
Désarçonnée par la question, Elisabeth suspendit un instant son geste et tourna un regard interrogateur vers Léo.
— Parce que j'ai bien l'intention de gagner notre concours de surf d'aujourd'hui ! la prévint-il, un air de défi mêlé à son éternel sourire en coin. Alors, j'espère que tu as trouvé de quoi m'épater pour égaler mes crêpes d'hier !
— Tout à fait ! Figure-toi que j'ai apporté quelque chose !
Les yeux d'Elisabeth pétillèrent de fierté en repensant à l'énorme pizza quatre fromages qu'elle avait confectionnée quelques heures plus tôt.
— Vraiment ! On t'a déjà dit que tu étais géniale comme fille ?
— Ça arrive qu'on me le rappelle de temps à autres, oui, plaisanta Elisabeth.
Léo se frotta le menton, comme souvent lorsqu'il réfléchissait avant de s'exclamer :
— Ah non, mais attends ! J'ai compris ! En fait, tu comptais m'acheter pour que je te laisse gagner notre concours d'aujourd'hui, c'est ça ?
Prise au jeu, Elisabeth approuva :
— Oui, c'est bien connu : rien de mieux que la nourriture pour acheter les hommes...
— Ce n'est pas juste ! Les femmes, vous profitez toujours de nos faiblesses..., se plaignit Léo d'un air faussement affligé.
— Mais non, qu'est-ce que tu vas inventer ? Aujourd'hui, je vais gagner, que je ne t'achète ou non ! C'est pour me faire pardonner mes accusations d'hier, tu ne te souviens pas ? lui demanda malicieusement Elisabeth, en repensant à leur conversation de la veille.
— Et qu'est-ce que c'est ? voulut savoir Léo qui se frottait les mains d'impatience, le nez à demi-plongé dans le cabas d'Elisabeth.
— D'après toi, qu'est-ce qui est aussi bon que les crêpes au Nutella ?
— Les pizzas ?!
— Exactement ! C'est pour ça que j'en ai fait une !
— Oups...
Farfouillant dans son sac à dos Dakine, Léo en extirpa un Tupperware et dévoila à son tour une grosse pizza maison, dégoulinante de mozzarella encore tiède. A la vue de leurs deux réalisations, aussi semblables l'une que l'autre, ils éclatèrent de rire.
— Décidément, on a les mêmes idées...
— Et les mêmes goûts aussi, visiblement... A part les anchois !
Ils échangèrent un rapide coup d'œil et, sans plus attendre, s'élancèrent ensemble dans les vagues, leur surf sous le bras.
Les heures se succédèrent ainsi, sans qu'Elisabeth ne voit défiler la journée. Elle était sur un petit nuage. La présence de Léo à ses côtés et sa nouvelle identité venaient ré-inverser l'échelle du temps. Et lorsqu'elle leva les yeux en direction du ciel, le soleil s'était couché, laissant peu à peu place à l'obscurité. Ils avaient passé la journée sur l'eau, à surfer et s'amuser.

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