Seconde partie : Double Jeu - Chapitre 1

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Samedi 27 juillet 2019

    Lors de ses derniers entraînements, Elisabeth avait pris l'habitude de surfer à la plage des Alizés. Mais aujourd'hui, l'envie d'essayer le spot de la Centrale la tenaillait. Elle y allait souvent autrefois, avec son groupe d'amis. Contrairement aux autres spots de Lacanau, celui-ci possédait la particularité d'être un « point break », c'est-à-dire un spot où la houle venait s'enrouler autour d'une pointe et déferlait le long du contour du littoral. Une telle configuration pouvait parfois créer des vagues d'une longueur incroyable et permettait d'atteindre le line-up* en quelques coups de rame, en contournant la vague. A bien y réfléchir, c'était probablement la raison pour laquelle l'endroit était aussi prisé des vacanciers et autres surfeurs plus expérimentés.
    Durant la haute saison, il n'était d'ailleurs pas rare d'être témoin d'altercations entre locaux et touristes. Débutants pour la plupart, ces derniers n'avaient généralement aucune notion en surf et encore moins aux règles qui s'y rattachaient.
    Pour éviter des risques de collision, un seul surfeur par vague était autorisé et c'était le premier en action qui était prioritaire pour toute la durée de son surf. Mais visiblement, certains semblaient totalement indifférents aux questions de sécurité ! Ils se permettaient de prendre des vagues sans même se soucier de savoir si quelqu'un d'autre était déjà engagé. En plus, la plupart du temps, c'était pour tomber de leur planche deux mètres plus loin... Cela avait toujours eu le don d'exaspérer Elisabeth et elle préférait fréquenter cette plage quand la saison estivale prenait fin.
    Mais avec le challenge multi-sports qui avait lieu ce week-end à la plage du Surf Club, il y avait de fortes chances pour que l'endroit soit désert... Une telle occasion ne se manquait pas ! Après quoi, Elisabeth le savait, il lui serait probablement impossible de revenir sur le spot sans avoir peur que son passé ne la rattrape...

    Elle avait vu juste. Moins d'une dizaine de surfeurs évoluaient sur les vagues. Alors, après s'être assurée qu'il s'agissait bien d'inconnus, elle posa son surf sur le sable et sautilla gaiement jusqu'à l'eau. Sous la chaleur écrasante d'une journée d'été comme celle-ci, c'était tellement agréable de pouvoir profiter de la fraîcheur de l'océan !
    Elle recueillit un peu d'eau dans le creux de sa main mais elle n'eut pas le temps de se mouiller la nuque qu'une énorme vague l'éclaboussa et la tira toute entière dans l'écume. Elle ressortit de l'eau en riant et essora doucement ses cheveux. Sous l'effet du sel marin, ces derniers, habituellement attachés en une queue de cheval soyeuse et ordonnée, ondulaient à présent en de grosses boucles blondes qui scintillaient au soleil. La couleur de sa dernière teinture s'était dissipée plus vite que prévu et avec son programme draconien de ces deux dernières semaines, elle n'avait pas encore pris le temps de la refaire.

    Après quelques petits surfs d'échauffement, elle attaqua une vague, tenta un bottom-turn et réussit. Radieuse, elle ne put s'empêcher de laisser échapper un petit cri de joie.
    Un surfeur qui se trouvait non loin d'elle s'approcha et lui lança, la mine réjouie :
    — Bien envoyé, c'était joli ça !
    Elisabeth lui rendit son sourire, aux anges. Ce ne fut qu'à ce moment qu'elle le reconnut.
    Il enchaîna, visiblement impressionné :
    — Tu as vraiment assuré ! Moi, c'est Léo !
    Il ne l'avait toujours pas lâchée des yeux. Et, au plus grand étonnement d'Elisabeth, il ne semblait pas l'avoir reconnue. Ou, tout du moins, rien dans son regard ni dans son attitude ne le laissait paraître. Elisabeth adora immédiatement la façon qu'il avait de la regarder. Rien à voir avec la fois où ils avaient parlé lors de la promenade au bord de l'océan ou chez lui. Non, pour une fois, son visage était dépourvu de cet éternel air tantôt moqueur, tantôt gentillet et, surtout, il avait enfin arrêté de se sentir obligé de jouer les bons samaritains ! Au contraire, ses intentions semblaient toutes autres et son comportement laissait même suspecter un désir de séduction.
    Si seulement il avait pu la voir de cette manière au village vacances... D'ailleurs, s'il venait à découvrir qui elle était, Elisabeth pouvait tout de suite dire adieu à son beau sourire charmeur !
    Lorsque la fois où sa sœur et elle avaient échangé leur copain lui revint subitement en mémoire.

A contre-courantOù les histoires vivent. Découvrez maintenant