Chapitre 9

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Cheese ! Clic ! Merde, René, on ne te voit pas dans la photo !

Amélie

- Amélie ! Crie Charline en fonçant comme une fusée jusqu'à moi.

C'est à peine si je peux voir sa bouille avec le gros manteau qu'elle porte et sa capuche moumoutée pour l'abriter du vent.

- C'est moiiii, je réponds en levant le bras comme une reine.

Mon amie arrive près de moi, les joues rouges par le froid — ou le chaud de sa course, qui sait —, un grand sourire dessiné sur son visage fin. Ses lèvres sont gercées à cause de la navigation, et je me doute qu'elle doit être bien fatiguée.

- Tu as pris ta crêpe ? Elle demande simplement en montrant un ticket en papier blanc qu'elle tient dans sa main.

- Non, je dois avoir rangé le mien quelque part dans mes poches.

Je commence à fouiller dans mon jean bleu à imprimés de petits cœurs plus clairs, jusqu'à trouver le saint graal dans la poche avant.

- Je l'ai, laisse-moi juste sangler ma planche et j'arrive.

Charline acquiesce rapidement avant de repartir avec la même énergie vers le chapiteau qui accueille des bénévoles pour faire des crêpes. Je me dépêche de sangler l'avant de ma planche sur le toit de ma voiture mais c'est un peu galère. Alors quand il faut passer à la deuxième sangle pour l'arrière, je suis déjà pleine de sueurs. Ma voiture a beau être toute petite, j'ai dû mal à bien serrer ces foutues sangles sans avoir un escabeau pour m'aider.

- Besoin d'aide ? Me demande quelqu'un de l'autre côté du bolide, sans que je n'arrive à le voir.

- Oui, je veux bien, s'il vous plait.

Je lance un bout de la sangle de l'autre côté pour que l'inconnu la rattrape. Je fais passer l'autre bout sous la planche, avec la partie métallique qui permet de resserrer la sangle, et je sens juste une main rugueuse et chaude me frôler quand il saisit la partie que je lui donne.

Comme j'avais ouvert ma portière avant pour pouvoir me hisser un peu plus haut, je descends avec prudence, ferme la porte, et rejoins l'inconnu qui serre au maximum le tout pour ne pas que ça s'envole en conduisant.

L'homme est assez vieux, peut-être le même âge que mon père, mais surtout en impose. De taille moyenne, il me sourit de toutes ses dents blanches en me montrant de la main son travail. Je vérifie rapidement mais je n'aurais pas mieux serré les sangles que lui.

- Merci beaucoup, dis-je en lui rendant son sourire. Je ne pouvais pas rêver mieux. Vous voulez une crêpe ? Pour vous remercier, bien sûr. Je ne suis pas sûre d'avoir très faim.

En vérité, mon ventre gargouille depuis que nous sommes rentrés sur terre tellement la navigation était éprouvante. Le vent était beaucoup plus fort que prévu, et mes réglages pas vraiment adaptés, ce qui rendait ma voile plus puissante qu'elle n'aurait dû l'être. Comment vous dire que j'ai souffert pour ne pas me ridiculiser !

- Non, gardez ça pour vous mais c'est gentil, me répond-il en lissant le long manteau de feutre qu'il porte. Je crois vous avoir vu sur l'eau, dans les premières, non ? Enfin, je n'ai vu que la dernière course, mon fils courrait aussi aujourd'hui.

Contre vent et maréesOù les histoires vivent. Découvrez maintenant