« Quand on mettra les cons sur orbite, t'as pas fini de tourner. » — Michel Audiard
Amélie
- Comment va ton égo ? Me demande Amélie qui brise enfin ce silence insupportable.
Seulement dix minutes que nous marchons tous les trois pour rejoindre le port de plaisance et j'ai l'impression que ça fait mille heures. Livia marche entre elle et moi, les mains dans les poches en mâchouillant nerveusement son chewing-gum. Elle, elle n'a même pas ouvert la bouche depuis que nous sommes arrivés chez les Marceau. Je ne vous parle pas de la crise qu'elle a tapé cette après-midi parce qu'elle a été interdite de soirée avec ses amis.
Quels amis ? Je n'en sais rien. Je ne pensais pas qu'elle en avait déjà.
- Mon égo se soigne, comme ta connerie, je réplique aussitôt en fouillant dans ma poche de veste.
Je m'emmêle mais réussis à extirper une clope de cette ridicule veste de soirée que m'a obligée de porter Ludovica. Le pire, c'est qu'elle sait très bien qu'il est impossible de lui dire non. Elle est trop cool notre belle-mère, je ne veux pas me la mettre à dos.
- Mmh, c'est vrai que ça m'aide d'avoir une médaille en plus chez moi, elle continue en trottinant gaiement.
Je m'arrête pour caler le saint graal entre mes lèvres, puis l'allume avec minutie jusqu'à ce que le blanc s'embrase et que je puisse prendre une première taffe libératrice. Mes poumons se replissent d'une fumée que je savoure longuement, tout en observant les deux filles qui marchent devant moi pour atteindre la plage. Je n'arrive pas à regarder autre chose que sa longue chemise rose et blanche qui me cache la vue de ses fesses. Je suis sûr que ce jean la moule parfaitement où il faut.
- On te dérange peut-être ? Crache Livia en se retournant.
Elle me lance un regard noir que je descelle facilement malgré les quelques mètres qui nous séparent, mais je me contente d'hausser les épaules et les rejoindre. Elle me connait bien, la petite sœur.
Pendant le temps qui nous sépare des premiers bars, je ne réponds pas à Amélie et me contente de finir ma cigarette en paix, un peu derrière elles. Nous dépassons la longue plage artificielle où quelques familles ou amis commencent à boire l'apéro, puis débouchons sur la promenade qui longe les bateaux de plaisance et où quelques bars se battent en duels.
Je ne passe pas souvent par ici, préférant me rendre en voiture au club plutôt qu'à pieds, mais je devine qu'Amélie nous dirige vers le bar Au Centre Du Globe. Que de souvenirs...
Livia la suit sans rien dire, échangeant parfois un regard avec ma concurrente, sans plus. Je les observe à la volée, quand mes yeux ne trouvent pas de jolies femmes qui passent par là ou quand la vue d'un voilier ne me fait pas divaguer.
Amélie pousse la porte du bar, la tien à Livia mais la referme sous mon nez sans problème. Je sens mes lèvres se retrousser légèrement, mais je contiens ce sourire qui serait mal venu. Je les rejoins dans le grand escalier qui mène à la salle qui se trouve à l'étage, et je sens Livia un peu nerveuse. Même si ses mains sont cachées dans les poches de son manteau kaki, je vois qu'elle tripote quelque chose comme un de ces petits carrés remplis de boutons et de trucs qui font clics pour se détendre.
Je me contente de ne rien dire, et de jeter mon mégot dans la première poubelle à ma portée, en ramassant celui de quelqu'un qui l'a laissé sur le sol. Saleté de pollueur.
Amélie entraine ma sœur vers le barman, sûre d'elle, puis se commande une bière et un soda pour la cadette. Je la vois payer et prendre leurs deux boissons après un petit merci de Livia, pour se diriger vers la terrasse extérieure toutes les deux. Par chance, un couple qui occupait un bord de la terrasse libère sa table, offrant aux filles une très belle vue, directe sur la rade, et notre club à une centaine de mètres de là.
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Contre vent et marées
RomanceAmélie Marceau n'a jamais été adepte de compétition. Si elle est brillante dans sa discipline, les courses ne sont qu'un passe temps qu'elle nourrit pour sa propre satisfaction. Pour une dernière année de sport intense, elle a un objectif : accéder...