Chapitre 47

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Dans les bras de Morphée

Baptiste

Enfin les premiers entraînements. Après une longue journée basée sur de l'administratif et la vérification du matériel pour éviter les fraudes, nous voilà à attendre le retour d'Amélie. La cérémonie d'ouverture d'hier était incroyable, toute cette euphorie, cette représentation de chaque pays et toute cette bonne énergie... Amélie a fait le plein d'ondes positives au point que pendant un instant, j'ai cru que son stress avait disparu.

Évidemment, je me suis trompé. Amélie est bien plus angoissée que ce que je pensais. Elle refuse d'en parler, mais son visage ne trompe personne : elle se met une pression énorme. Je sais qu'elle est consciente des sacrifices que chaque personne, dont elle, a fait pour arriver ici avec des drapeaux de la France et des t-shirt floqués au numéro FRA-466, le sien. Mais elle a le niveau. Lissandre, Sacha et Jocelyn le répètent sans cesse : elle peut le faire.

Les premières planches rentrent et nous restons aux aguets jusqu'à la voir. Au moins, elle rentre avec tout le monde, c'est déjà ça. Il n'y avait pas beaucoup de vent pour une première journée, mais il reste cinq jours pour la compétition. Il y aura bien un jour avec du vent quand même.

Nous décidons d'attendre qu'elle se change, qu'elle soit totalement disponible aussi bien physiquement que mentalement avant de la rejoindre. Les coachs sont déjà avec elle, donc ça rassure sa famille. Ses parents sont ses premiers supporters, je n'avais jamais vu autant d'engouement. Sûrement en entendant leur excitation, ma famille a aussi décidé de faire le déplacement. Une petite excursion qui ravit tout le monde sauf Livia qui a dû laisser Achille pendant une longue semaine. Je l'ai taquiné en disant que sept jours sans avoir une langue dans sa bouche, c'est faisable, mais je crois qu'elle n'a pas trop aimé au vu du regard qu'elle m'a lancé. Ça n'a pas fait rire papa non plus, mais Ludovica a rit, elle.

-    Salut !

Amélie arrive vers nous, un peu timide. Elle a les joues encore roses à cause de l'effort et les cheveux humides. Tout le monde la prend tour à tour dans ses bras en demandant si ça allait, elle répond le plus simplement possible. Quelque chose cloche mais je me tais et me contente de poser un baiser sur ses lèvres.

Nous ne restons pas plantés là et on décide d'aller boire un verre pour fêter cette première partie de compétition, même si ce ne sont que des entraînements pour découvrir le plan d'eau. Amélie est méga silencieuse ce qui ne lui ressemble pas, mais je ne cherche pas trop à l'embarrasser devant sa famille. Je sais que si ça m'arrivait, mes parents chercheraient directement à comprendre ce qui cloche.

-    Ça va ? Je chuchote en attrapant sa taille quand on marche.

-    Je suis fatiguée, c'est tout.

Ok. En langage de femme, ça veut dire que ça ne va pas. Le problème, c'est qu'est-ce que je dois faire ? Si je cherche à savoir, elle va s'énerver en disant que ce n'est rien de grave mais si je ne cherche pas, elle ira mal et me le reprochera plus tard. Punaise, c'est compliqué !

Finalement, quand on s'arrête à un petit bar, je décide de ne rien dire de plus et d'attendre le soir pour lui en parler. Je ne veux pas remuer le couteau dans la plaie, autant qu'elle passe une bonne soirée.

***

-    Amélie, dis-moi ce qui ne va pas.

Dans notre lit, je l'incite à venir poser sa tête sur mon torse. Elle ne se fait pas prier et se blottit contre moi. Elle a réussi à bien jouer la comédie devant ses parents, mais dans le fond j'ai l'impression que l'entraînement ne s'est pas aussi bien passé que ce qu'elle raconte.

-    Amélie... Je ne veux pas te faire la guerre et tout ça, tu m'inquiètes. C'est une superbe opportunité et je te sens toute molle, c'est horrible.

-    Toute molle ?

-    Oui, un peu comme une larve, regarde.

J'attrape son bras, le lève en l'air et le lâche. Il s'écrase sur le lit comme si elle n'avait pas la force de résister à la gravité.

-    Tu vois ?

Elle éclate d'un rire clair et profond, le premier éclat de lumière depuis son retour.

-    Il faut que tu me dises, j'insiste en caressant ses cheveux courts. Je veux t'aider, vraiment.

-    Tu ne pourras pas.

-    Et pourquoi ça ?

Je l'entends soupirer puis plus rien. Il n'y a plus que nos deux battements de cœur à l'unisson. Au bout de quelques secondes de silence à fixer le plafond blanc dans la nuit, j'ouvre la bouche pour la forcer encore un peu, mais elle décide de parler avant que je ne dise quoi que se soit.

-    Je ne vais pas être à la hauteur... Ce sont des machines, là.

-    Des machines ? Amélie tu es une machine ! De tous les entraînements que j'ai fait avec toi, tu as tellement pris de niveau que je suis toujours loin derrière !

Elle rit doucement en se rappelant sûrement le nombre d'allers et retours qu'elle faisait pour m'attendre tellement j'étais plus lent qu'elle.

-    Elles sont toutes super athlétiques et conditionnées à fond pour la compétition... J'ai l'impression de sortir de nulle part.

-    Si tu juges sur un physique, tu te trompes. Tu es la première à le dire, d'ailleurs, que c'est n'importe quoi. Je suis sûr que tu vas les défoncer.

-    Mais les israéliennes et les romaines...

-    On s'en fout ! Ce n'est pas grave s'il y a plus fort que toi.

Je la force à se redresser en prenant sa joue dans ma paume. Malgré l'obscurité, je sais que nous nous regardons.

-    Tu es largement meilleure que toutes les femmes qui concourent sur ta ligne. La seule chose qui peut être défavorable, c'est le vent fort. Mais dans toutes les autres conditions, tu files ! Un mauvais départ ? C'est rien, tu pompes plus fort pour les rattraper, tu revois ta stratégie pour gagner des secondes. Tu loupes une bouée ? Tu te prends une pénalité ? Tu répares dans les règles de l'art, mais surtout, si tu penses que la personne a eu tort, ne fait rien et fonce en protestation. On est tous derrière toi, tu peux te planter, on est là pour te rattraper et non pour te mettre la pression. C'est un championnat du monde, Amélie. On sait que c'est dur, et c'est déjà impressionnant que tu sois arrivée jusqu'ici sans soucis. Alors peu importe ce que tu en penses, profite pour toi avant tout.

J'essuie la larme qui a atteint mon doigt puis lui pose un petit baiser sur le nez. Elle me sourit mais ne me répond pas. Je l'incite à se rallonger pour lui faire comprendre que je n'attends pas de réponse, juste sa présence me suffit. Lentement, je lui caresse les cheveux jusqu'à sentir qu'elle se détend totalement. La pression qu'elle pense ressentir est tout à fait légitime, mais surtout bien fausse. Quand on commence à connaitre son entourage, on comprend qu'il n'y a que de la bienveillance dans les environs, qu'elle gagne ou non. En fait, elle pourrait déclarer forfait maintenant que tout le monde ferait la fête quand même pour la féliciter.

Amélie bouge sur mon torse pour se replacer, puis je l'entends murmurer à peine.

-    Merci...

Seul, je souris. Je caresse de nouveau sa tête pour lui faire comprendre que j'ai entendu, mais c'est tout. Pas la peine de parler plus que ça, je sais ce qu'elle pense. Sa respiration de vient de plus en plus profonde, la mienne aussi. Mes paupières s'alourdissent, mon esprit commence à divaguer, et c'est bercé par la respiration d'Amélie que le sommeil me gagne.

Contre vent et maréesOù les histoires vivent. Découvrez maintenant