Épilogue

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- Allez Amélie ! Dépêche, dépêche, dépêche !

- Deux secondes ! J'ai un coquillage dans le pied.

J'arrive à enlever le truc de mon pied puis rejoins mon homme en courant. Baptiste est comme un enfant, sautant sur place, les pieds dans l'eau. J'arrive au niveau de mon matériel, le plonge à l'eau et il en fait de même. La plage est grande, les concurrents sont nombreux, mais ce n'est rien. Pour le délire, on se devait de faire une fois le Défi Wind.

Nous partons en même temps, essayant de ne pas se perdre dans cette foule de planchiste. Baptiste bouge sa tête par réflexe pour écarter ses mèches noires mais il n'a plus rien à chasser depuis qu'il les a raccourcis. Un an que nous sommes ensemble, et il aura fallu au moins six mois pour le convaincre. N'empêche, il est nettement plus tranquille comme ça.

- Tu sais que je vais t'éclater ? Il dit en riant en se rapprochant.

Je ris doucement en haussant les sourcils, très peu convaincue par ce qu'il me raconte.

- Tu parles à la mauvaise personne, JE vais t'éclater oui !

Entre nous, pour cette course, c'est la compétition avant tout, comme à nos débuts. On s'est mis d'accord : pas de pitié. On commence à prendre de la vitesse, le vent soufflant fort en bord de plage. Je commence à me concentrer, perd de vue la voile de Baptiste mais ce n'est pas grave, la course va commencer.

Autour de nous, des centaines de planchistes filent à tout vitesse en attendant le départ. Pas de bouée et de comité pour l'occasion qui font en général office de ligne, seul un bateau va filer perpendiculairement à nous. L'objectif, qu'on passe après lui, ça fait office de ligne de départ. Mes bras sont un peu douloureux avec les entraînements d'hier, mais ce n'est pas vraiment pareil comme il n'y a aucun enjeu. Nous nous sommes inscrits comme ça, sur un coup de tête, et ça me va très bien.

Charline n'a pas pu nous rejoindre pour je ne sais quelle raison, mais je sais que Lucas et Noémie sont quelque part dans cette masse de planchiste.

C'est parti.

On voit le gros zodiac noir filer à toute vitesse, les premiers compétiteurs passant déjà la ligne. Concentrée, je pense à garder la stabilité de ma planche telle qu'elle est pour ne pas tomber. Je sais qu'on a plusieurs jours pour se rattraper si jamais le classement n'est pas à notre goût, mais si j'arrive à être dans les 300 premiers au classement général, je serai heureuse.

Depuis septembre et ce championnat du monde en août, j'ai plus ou moins arrêté la compétition. Lays et Sacha ont tenté de me garder, mais c'est fini pour moi. Je n'ai plus autant d'objectif dans la discipline, et l'envie n'est plus vraiment présente. Je crois que j'ai fait le tour, je préfère faire de temps à autre des petites compétitions auxquelles je m'inscris seule plutôt que d'être aussi contrainte que dans le club.

Baptiste m'a suivi dans ce délire tout en renouvelant quand même sa licence histoire de concourir avec moi de temps en temps.

Je passe enfin la mousse qu'a crée le passage du bateau. Le vent souffle fort dans ma voile, je sens ma planche se soulever plusieurs fois, faisant pression sur mes pieds calés dans les straps. Autour de moi, dès le premier virage, plusieurs personnes tombent en gros fracas violent dans l'eau. Je les ignore, poursuis ma route, enroule les bouées dans m'arrêter. Je sens les drones nous filmer au-dessus de nous, les jet-ski zigzaguer plus loin si jamais il y a des blessés. Je sens la pression autour de moi, celle des autres coureurs. À cette vitesse, tomber fait déjà mal. Mais savoir qu'il y'a autant de monde autour capable de vous couper un membre à cause des ailerons, c'est pire.

J'aime ça.

Dernière bouée, mais abdos crient la mort. Mes bras commencent aussi à tirer de plus en plus mais je vois l'arrivée. Dès que j'y serai, ça sera bon. J'essaye de prendre de la vitesse pour dépasser des dernières planches et gratter des places, puis je passe l'arrivée en deux temps trois mouvements.

Je ne ralentis pas m'écarte de tout le bordel puis saute dans l'eau quand plus personne ne me gêne. L'eau rentre dans ma combinaison, apaisant mes muscles endoloris. Je me laisse flotter pour faire redescendre l'adrénaline qui court dans mes veines.

Je ne suis pas tombée. Je n'ai pas fait un seul faux pas.

Reste à savoir si je suis avant ou après Baptiste.

Avant qu'on autre départ ne soit lancé, je décide de rester encore un peu dans l'eau. D'une main, je me tiens à la planche, flotte grâce à mon gilet de sauvetage, accueille les vagues qui me fouettent le visage.

Je prends le temps d'observer le ciel bleu, les quelques nuages qui le décore, et je profite de l'odeur de la mer, du sel qui titille mes narines.

Dans l'eau, entourée de planches, je me sens bien. En paix avec moi-même. Et plus heureuse que jamais.

FIN

Contre vent et maréesOù les histoires vivent. Découvrez maintenant