Chapitre 16

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La shinance d'un Pokémon en pleine évolution

Amélie

-    Quinze protestations Amélie ! Quinze que tu as provoqué ! S'exclame Lays qui fait les cents pas devant moi.

Un sourire fautif naît sur mon visage mais je tente de le cacher à mon coach qui se torture depuis cinq minutes. J'attache l'avant de ma planche sur la remorque, serre bien la sangle puis m'occuper de l'arrière.

-    Mais aucun ne me concernait, je relève tout bas pour ne pas trahir mon hilarité.

-    Quinze Amélie ! Ils vont en avoir pour des heures !

J'ai envie de lui répondre que je m'en fous, qu'il fallait y penser avant qu'ils ne menacent de ne pas nous classer. Déjà que leur régate était une catastrophe à cause du vent non existant et de la dernière ligne droite qui m'a valu un énorme trou dans ma voile, savoir que leur soirée va être gâchée à cause de moi me donne envie de sourire.

Sur l'eau, je l'ai joué fairplay au maximum tout en semant la discorde sur la course. J'ai mis un péril ma place de première, l'offrant gracieusement à Noémie qui se croit déjà la reine du monde, mais ça ne changera rien à ma vie. Dans tous les cas, le comité a décidé de classer les femmes pour un podium mais de ne pas les classer sur le site officiel par manque de compétitrice. J'étais tellement enragée sur l'eau que j'ai préféré monter les coureurs les uns contre les autres plutôt que de faire une véritable performance sportive. Le but étant qu'ils viennent tous protester à la fin des manches au point que le jury n'aura pas d'autre choix que de prendre au sérieux chaque demande.

Le but est simple. Quelqu'un fait quelque chose qui entrave les règles de navigation et tu peux protester. La planche à voile — et la voile plus généralement — n'est pas un sport facile à encadrer. Il y a des jury sur l'eau qui observent les points de passage stratégiques des planchistes pour éviter les fautes, mais sinon c'est chacun qui prend sa responsabilité en reconnaissant les fautes qu'il a pu faire sur quelqu'un et en réparant en conséquence — en général, c'est un tour sur soi-même qu'on appelle un 360. Seulement voilà, parfois, il y a des têtus. Il y a des gens qui ne jouent pas le jeu, qui trichent et qui ne réparent pas leur faute. Dans notre droit en tant que « victime », on a le droit de protester auprès du comité et du jury contre un ou plusieurs candidats. Dans ce cas là, après la compétition et avant les résultats finaux, les gens impliqués dans la protestation doivent passer devant un jury pour tout décortiquer et sortir le vrai du faux.

Je n'ai pas réellement fait ça car je ne suis pas convoquée, mais j'ai poussé quelques personnes à la faute au point que quinze cas de plaintes sont en train de passer devant un jury, reconstituant toute la scène pour savoir qui a raison ou non. Pourquoi j'ai fait ça, me demanderez-vous ? Tout simplement parce que chaque protestation demande un réarrangement du classement. Selon ce que la faute a coûtée à la victime, on lui rajoute des points ou on en enlève à l'autre, si bien que tout le classement est faux.

Déjà qu'on met énormément de temps à avoir les résultats finaux et la remise des médailles, là ça sera encore pire ! Il est à peine 16h et nous serons encore là pour 18h voire plus.

-    Je ne remets jamais en question tes décisions, reprend Lays qui s'arrête enfin de marcher, deux doigts pincés entre l'arrête de son nez, mais là c'est trop. Qu'est-ce qu'on a fait pour mériter ça ? Je n'ai jamais vu une telle régate. Quinze c'est énorme, putain. Plus de la moitié de mes coureurs sont impliqués dans des minis procès contre d'autres clubs ! Je n'étais même pas sûr de nous faire rester pour la remise des médailles mais là je suis encore plus coincé. La dernière protestation d'Adam contre je ne sais pas qui à lieu à 18h25, c'est tard.

Contre vent et maréesOù les histoires vivent. Découvrez maintenant