Le vélociraptor et le rondoudou
Baptiste
Dans le jardin, au milieu de la pelouse, je m'active à réparer provisoirement le trou dans la voile d'Amélie. Elle n'a pas exagéré quand elle m'a parlé de sa mésaventure en revenant à terre. J'avoue que le vent était aux abonnés absents, alors il fallait se créer soi-même un semblant d'air pour avancer, mais delà à pomper trop fort et trouer sa voile, une première ! Mais je la crois, parce qu'elle n'est pas du genre à mentir. Ou du moins, elle n'aurait pas inventé une histoire aussi folle.
Je l'ai croisé ce matin alors qu'elle allait à la fac pour réviser ses partiels la semaine prochaine, et m'a avoué que la réparation de sa voile prendra trop de temps pour qu'elle puisse naviguer mercredi. Le pire, c'est qu'elle compte la mettre en réparation la semaine prochaine, quand elle sera sûre de ne pas avoir d'entraînement. J'ai trouvé dommage qu'elle ne navigue pas pendant deux semaines alors j'ai proposé de faire une petite réparation qui tiendra pour une navigation. Ses joues ont rosi comme ses cheveux mais elle a fini par accepter contre je ne sais quoi. J'ai refusé mais elle a insisté alors je ne sais pas comment elle va me remercier.
Peu importe. Seul dans mon jardin au milieu de l'herbe, je savoure la douce chaleur du soleil sur mon corps. À l'abri du vent, je me sens comme en Italie pendant un moment. J'attrape le scotch fait pour la matière de la voile et poursuis ma réparation bancale.
J'ai été regarder les résultats finaux d'hier sur internet et en effet, les filles sont bien affichées mais elles ne sont pas assez pour que ça compte. Noémie en première, Amélie en deuxième et Charline en troisième. Il devait y avoir une quatrième mais elle n'a fait qu'une seule manche sur les cinq ce qui l'a disqualifiée automatiquement.
Quand Amélie m'a appris son intention de foutre la merde pendant la régate, j'ai eu un peu peur qu'elle ait des sanctions. Aussi improbable que ça puisse être, je me suis inquiété pour elle avant de voir sa procédure. Tout était millimétré, comme si elle avait fait ça des centaines de fois. Petit à petit, le chaos régnait sur l'eau et la tension entre les couleurs palpable. Je ne pouvais pas m'empêcher de jeter un coup d'œil toutes les cinq minutes pour voir ce qu'elle faisait, laissant ma course de côté. Si j'ai été moins bon que d'habitude par cette tournage rose de distraction, Noémie n'a quand même rien pu faire contre ma détermination. Pour l'honneur de ma nouvelle amie, il fallait bien que sa rivale reste un peu en arrière.
Alors j'ai gagné la bataille d'égo, j'ai soutenu Amélie de temps en temps quand je le pouvais et j'ai admiré ses talents de connasse suprême. Elle qui me traite de con à tout va, j'ai failli lui dire qu'elle n'était pas mieux quand elle s'y met. Malheureusement, j'avais trop peur des représailles. Déjà que j'essaye de me racheter sur mon comportement, je ne me vois pas l'insulter de nouveau.
Je me lève pour observer mon travail, pas peu fier de la propreté de la réparation. Le scotch transparent regroupe parfaitement les lambeaux de voile et je pense même que ça peut tenir un petit moment.
- Pas mal du tout, intervient une voix grave qui fait disparaitre mon sourire satisfait.
Mon père débarque sur la terrasse, toujours vêtu d'un costard fait sur mesure. Il observe de lui ma réparation en hochement machinalement la tête. J'en profite pour ramasser mon bazar et rouler la voile, puis la range dans sa housse pour la rendre à Amélie.
- FRA 466, énonce-t-il d'un air suspicieux, ce n'est pas toi ça.
- Le jour où je serais entièrement français, ça se saura, je déclare un peu trop sèchement ce qui n'a pas l'air de plaire à mon père.
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Contre vent et marées
RomanceAmélie Marceau n'a jamais été adepte de compétition. Si elle est brillante dans sa discipline, les courses ne sont qu'un passe temps qu'elle nourrit pour sa propre satisfaction. Pour une dernière année de sport intense, elle a un objectif : accéder...