Chapitre 20

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La première règle du Fight Club...

Amélie

Je ferme le manuel pour en ouvrir un autre, la même chose que je fais inlassablement depuis ce matin. La bibliothèque universitaire est pleine à craquer, un bon signe pour comprendre que les partiels sont de plus en plus proches de nous. Personne ne parle, tout le monde révise dans un silence de plomb cassé par quelques groupes qui chuchotent de temps à autre. En vérité, j'aime bien cette ambiance de travail, ça motive.

Alors que je replonge dans ma lecture, un de mes écouteurs est brusquement enlevé de mes oreilles. Je bondis en arrière, manquant de tomber avec ma chaise pour finalement voir Charline, un grand sourire aux lèvres. Elle me tend l'écouteur blanc et je me contente de le récupérer en enlevant le deuxième, sur mes gardes. J'ai eu la peur de ma vie et elle a l'air ravie, sympa. Agacée, je replace mes mèches roses derrière mes oreilles, me sentant d'un coup très nu sans la musique d'Eminem qui crie dans mes tympans.

-    Salut, dit-elle finalement en s'asseyant en face de moi.

-    Salut, je réponds froidement en replongeant dans mon bouquin.

Un silence s'installe, je la vois qui m'observe alors que j'essaye de réviser. Ses yeux sont tellement insistants que je relis la même phrase depuis deux minutes.

-    Qu'est-ce que tu veux, Charline ?

-    Tiens.

Elle sort une salade toute faite de son sac, achetée en super marché, et me la pose devant. Je regarde longuement l'emballage en carton puis elle. Elle a un peu bronzé depuis samedi dernier ce qui fait ressortir ses taches de rousseurs et le grain de beauté près de ses lèvres pulpeuses. Ses cheveux de lionnes sont ramenés en un gros chignon de la taille de sa tête et elle porte de jolies lunettes dorées qu'elle ne met que pour travailler. Je lève un sourcil pour lui faire comprendre qu'elle m'explique un peu plus, ce qui semble la ravir car son visage s'illumine.

-    Je bossais un peu plus loin depuis ce matin, elle m'explique en se grattant le cou. Et j'ai vu que tu n'es pas allé manger depuis que tu es là. Il est presque seize heures, Amélie.

-    En quoi ça te regarde ? Je crache sans réussir à me retenir.

Les yeux de Charline s'arrondissent tandis que je sers un peu plus fort le stylo que je tiens à m'en faire pâlir les phalanges. Les teintes rosées que sa peau avait prises disparaissent pour laisser place à une incompréhension totale. J'ai l'impression d'halluciner. Elle m'ignore depuis des semaines et maintenant elle revient comme une fleur, se préoccupant de moi et de ma santé. Quelle hypocrisie !

-    Bah, je ne veux pas que tu retombes dans une de ces phases où... tu sais... elle bégaye, mal à l'aise.

-    Je m'en sors seule, Charline. Tu peux me laisser maintenant, je travaillais là.

Mais elle ne bouge pas. Elle se tortille sur sa chaise mais ne bouge pas d'un pouce. Au contraire, elle me pousse la salade du bout du doigt jusqu'à ce que celle-ci touche mon bouquin.

-    Mais c'est quoi ton problème à la fin ? Je râle sans monter le ton, histoire qu'on ne nous mette pas dehors.

-    Je m'inquiète pour toi, Amélie. Tu ne manges pas.

-    Si, j'ai mangé hier soir.

-    Hier soir ! Ce n'est pas assez. Qu'est-ce que tu as mangé ?

-    J'étais à la plage... Mais j'ai pas envie de parler de ça avec toi !

Je ferme le livre en face de moi et le fourre dans mon tote-bag avec rage. Je range toutes mes affaires dans la même foulée, bien décidée à partir d'ici pour qu'elle me laisse tranquille. Je refuse qu'on me dicte ma vie et encore moins quand on ne s'y intéresse pas réellement. J'attrape ma veste en jean et me précipite vers l'extérieur, Charline sur les talons. Elle m'appelle, essaye de me rattraper, mais rien n'y fait. Je sers les poings et fonce à travers la rue, bien décidée à rejoindre le parking où se trouve ma voiture.

Contre vent et maréesOù les histoires vivent. Découvrez maintenant