Chapitre 15

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« Cher journal,

Rien ne va plus. Kirsty nous a surpris Finn et moi alors qu'il me donnait mon premier baiser. A dhia ! comme c'était merveilleux ! Finn est si gentil, si doux, si prévenant... Mais bien évidemment, cette Dheamhain de lavandière n'a pu tenir sa langue ! Elle est allée tout raconter à Mère qui refuse que sa chère lassie se compromette de la sorte avec le gardien de moutons. Elle se méprend tellement sur lui ; ce qu'elle perçoit comme de la sauvagerie n'est autre qu'une extrême timidité. Et si elle avait eu l'occasion de l'entendre parler de botanique, elle se rendrait compte qu'il n'est pas aussi ignare qu'elle le pense. Il n'est en rien inadapté, je le sais. Mais elle refuse de m'écouter alors je me retrouve consignée en cuisine où je ne pourrais échapper à sa vigilance et rejoindre mon ghoal. Qu'est-ce que j'aime la sonorité de ce mot ! Finn me l'a murmuré au creux de l'oreille juste après notre premier baiser. Je crois qu'à présent, je ne me lasserai jamais de l'entendre. S'il m'est donné la chance de retrouver Finn pour qu'il me le dise encore et encore... »

Un soupir s'échappe de mes lèvres au moment même où je rejette ces pages de journal jaunit par le temps sur la table qui me fait face. La vue fatiguée, je masse mes paupières pour tenter de soulager la douleur oculaire qui tire sur ma cornée. Des lignes et des lignes de mièvreries, d'injustices maternelles et de tendres réconciliations mais aucune trace d'un passage secret quelconque ! Une semaine que nous cherchons des indices qui puissent corroborer l'hypothèse de Jasmine à propos de quelque couloir dissimulé ou de bibliothèque pivotante, sans rien trouver. La frustration commence à se développer au sein du cercle particulièrement auprès de Jaz, désireuse de nous prouver que son idée n'avait rien de si extravagant.

Autour de moi, répartis sur deux tables de travail, mes amis épluchent chacun la photocopie de – très – vieux documents provenant des archives ; journaux intimes, registres, lettres, notes officielles, plans... tout ce que nous avons pu trouver depuis l'habilitation de l'île à la fin du XIVe siècle. Mon père nous ayant formellement interdit de poursuivre nos investigations sur Octavius et ses sbires, Leander et Ania ont été contraint de photographier secrètement les antiques papiers avant de les imprimer depuis le journal. Cloitrés dans le fond de la bibliothèque, nous avons à porter de main nos cahiers de cours en prévision de la survenue inattendue d'un adulte susceptible de reconnaitre les écrits.

— Ça donne rien ? m'interroge Jaz, dont l'irritabilité devient de plus en plus palpable. J'aurais pourtant pensé que les journaux de Nora Buchanan nous révéleraient des choses. Sa mère a longtemps été la gouvernante du château au XVIe et les tensions entre elles à propos de Finn aurait pu la conduire à découvrir des moyens de discrètement retrouver son amoureux...

Je hausse les épaules.

— Jusque-là non mais je pense qu'elle pourrait parler de passages secrets que je ne m'en rendrai même pas compte tellement j'ai du mal à déchiffrer ce qu'elle écrit. Déjà, c'est un mélange de vieil anglais et d'argot ou je ne sais quoi... J'ai aucune idée de ce que signifie « a dhia », « dheamhain », « lassie », « ghoal »...

— C'est pas de l'argot mais du Gaélique écossais, intervient Mathias sans relever la tête de son propre carnet.

Jaz lève les yeux au ciel.

— Plus qu'identifier la langue, traduire nous aiderait davantage, siffle-t-elle.

L'italien abandonne enfin sa lecture pour fixer ma colocataire, ahuri, d'ainsi subir ses foudres alors qu'il n'avait rien demandé.

— Je parle pas gaélique si tu veux, réplique-t-il sèchement. « lassie » mis-à-part, je n'en sais pas plus que Will.

— Et ça veut dire... ? poursuit-elle pourtant.

L'Ecole des Neuf Muses (T2)Où les histoires vivent. Découvrez maintenant