L'Ecole des Neuf Muses (T2)

Chapitre 11

Armée d'une assiette pleine de muffins embaumant de leurs alléchants parfums de fruits et de chocolat, je me faufile entre la masse d'élèves qui marchent dans le sens opposé. Ma mauvaise fois me pousserait à leur râler dessus mais la vérité, c'est que je suis la gêneuse qui avance à contre-sens, chacun d'eux se précipitant hors du bâtiment scolaire, les cours terminés, tandis que je tente de rejoindre l'infirmerie, où Adam, Louise, Logan et Charline veillent heure après heure Victoire. Leur longue attente devrait bientôt prendre fin, l'imminence du réveil de la jeune patiente échauffant les esprits. Mais pour le moment, grignoter quelques gourmandises leur fera le plus grand bien. Après tout, quel tourment une bonne dose de sucre ne peut soulager ?

Lorsque j'arrive dans le long corridor teinté de la lueur orangée du soleil couchant, des éclats de voix enjouées me parviennent, étouffés par l'épaisseur des murs. J'accélère le pas, soudain plus légère. Un sourire se peint sur mon visage en découvrant Victoire, appuyée contre son oreiller, protester gentiment contre un Adam goguenard. A ses côtés, Logan détache ses yeux de sa belle le moins possible, son regard revenant sans cesse sur elle et le visage illuminé de Louise et Charline suffirait à éclairer la pièce. Le soulagement m'étreint.

— Will ! m'accueille joyeusement la patiente. Et en plus, tu ramènes des gourmandises ! Enfin quelqu'un qui comprend les besoins d'une femme enceinte !

A ces mots, elle lance une œillade appuyée à Logan dont les traits se déforment d'effroi, réalisant l'implication de son commentaire. Lui d'habitude si serein et maître de lui-même se met à s'agiter en tous sens, s'assurant tout à coup que l'assise de sa moitié est confortable, l'assommant de questions sur ses désirs et son bien-être. Dans un rire attendri, Victoire le retient par la main, avant de lui murmurer des mots d'amours, les yeux humides. Logan s'immobilise immédiatement, entrecroise ses doigts aux siens, dépose un baiser sur ses phalanges. La tendresse évidente entre eux me plonge dans l'embarras ; gênée, je me prends d'adoration pour mes bottines à talons. Un mouvement me fait néanmoins relever la tête. Adam nous fait signe de sortir afin de leur laisser de l'intimité. Charline, Louise et moi obtempérons discrètement. Adam referme derrière nous, souriant.

— Ça fait longtemps que Victoire s'est réveillée ? m'informé-je. Elle a l'air d'aller bien...

Le sourire de mon coéquipier s'estompe aussitôt, me faisant regretter ma question.

— Elle a repris connaissance en début d'après-midi, m'apprend patiemment Louise. Mais les nouvelles ne sont pas aussi bonnes qu'attendu...

Je l'interroge du regard mais elle se mure dans le silence, éveillant d'autant ma curiosité. Néanmoins, mon savoir-vivre me pousse à la réfréner. Si l'on ne me donne pas davantage de détails, c'est que je n'ai pas à les connaître...

— Je vais finir mes devoirs, déclare-t-elle vaguement à notre attention.

Perdue dans sa bulle, elle disparaît au détour d'un couloir.

— Excuse-la, soupire Adam. La situation n'est pas évidente à gérer...

— Victoire et Lou ont vraiment une relation de grande et petite sœur, ajoute Charline. Cette histoire la mine profondément.

— Je ne lui reproche rien, affirmé-je.

Charline adopte ensuite le même chemin que la jeune Lombardo. Seuls tous les deux, Adam se tourne vers moi.

— Les nouvelles ne sont pas aussi bonnes parce qu'on espérait bêtement qu'avec le réveil de Vic, la situation ferait déjà en quelques sortes partie du passé, qu'on saurait ce qu'il s'est produit, me met-il dans la confidence. Sauf qu'on n'en sait pas plus...