Chapitre 12

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La vérité, c'est qu'Adam s'était peut-être un peu emballé en faisant cette déclaration. Nous y avons survécu, certes, et sans blessure — ou presque, comme l'attestent les traces rouges incandescentes sur mes poignets — mais cette entrevue s'avéra bien plus ardue et infructueuse que prévue.

Lorsqu'il pénétra dans la buanderie, avec dix minutes d'avances sur l'heure de rendez-vous, Octavius fut largement surpris de nous découvrir déjà sur place. Il retrouva néanmoins rapidement contenance, passant une main nonchalante dans ses longues boucles blondes, son sourire charmeur aux lèvres. Et dire que je l'avais trouvé séduisant...

— Je vois que vous êtes en confiance, dis donc... commenta-t-il avec une fausse bonhommie. Quelqu'un que je n'aurais pas vu ferait-il le guet dans le couloir, à tout hasard ?

Conformément à notre plan, Adam et moi fîmes semblant d'échanger un regard incertain, un brin coupable. S'il croyait une troisième personne susceptible de nous porter secours rapidement, cela l'aurait d'autant poussé à la prudence, à ne rien tenter à notre encontre.

— Je vois... soupira-t-il. J'imagine que je ne peux encore prétendre à ta pleine confiance...

Son air profondément attristé par cet état de fait aurait presque été convaincant si je n'avais su à qui j'avais affaire : un manipulateur de première.

— J'espère que cela changera bientôt, ajouta-t-il. Je ne peux me défaire de l'idée que ta présence ici signifie que tu me laisses une chance...

Un ricanement froid et dédaigneux m'échappa ; une réaction qui sembla autant le surprendre que le blesser. Après un signe de tête aussi bref que discret de mon partenaire, je lançai la première partie de notre plan : le faire parler. Peu importe de quoi, il fallait qu'il parle et parle encore afin que je m'accoutume de ses intonations avant d'entamer la véritable conversation. Ainsi, je décidai de le provoquer :

— Te laisser une chance ? lâchai-je avec virulence. Gagner ma confiance ? Alors que Victoire est encore alitée à l'infirmerie à se ronger les sangs pour son enfant ? Vraiment ?

— Victoire ? feignit-il l'innocence.

Un élan de colère gonfla en moi, mais Adam intervint, plus rapide, la voix vibrante d'une tension menaçante :

— Oui, la jeune femme à qui vous avez provoqué un accident pour atteindre mon frère.

— Ton frère ? murmura notre interlocuteur, les sourcils froncés. Ah oui ! ça y est ; je remets ! Tu es le jeune Lombardo ! Adam, c'est ça ?

L'intéressé et moi échangeâmes un regard méfiant, décontenancés. Octavius savait pertinemment qui étaient Adam et son frère, sa lettre ne prêtait à aucune confusion ; il connaissait très bien l'identité de mon coéquipier. Alors à quoi jouait-il ?

Ce dernier attendit confirmation avant de s'expliquer d'un sourire déplaisant :

— Navré, je m'attendais à faire face à Mathias Dorreletto... Etrangement, je pensais que ma filleule se tournerait en premier lieu vers lui...

Mon compagnon serra les poings, mais n'esquissa pas le moindre geste vers lui.

— Et pourquoi ça ? demanda-t-il néanmoins, la mâchoire crispée.

Une lueur de satisfaction éclaira le visage de notre ennemi qui haussa les épaules, désinvolte. Ou, tout du moins, était-ce l'impression qu'il voulait donner. A mes yeux, son attitude puait la comédie. Il cherchait à provoquer Adam et il ne fallait surtout pas que ce dernier se laisse happer dans sa misérable mascarade.

L'Ecole des Neuf Muses (T2)Où les histoires vivent. Découvrez maintenant