Chapitre 20

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            Perdue dans mes pensées, je fredonne doucement en avançant sur le sentier vers le dortoir. Le ventre chaud du diner, entourée de mes amis en train de gentiment se chamailler et caressée par les derniers rayons du soleil, je savoure ce moment simple et pourtant si doux. Devant moi, Charline mène la marche, enthousiaste à l'idée de passer une soirée détente tous ensemble, se retournant de temps à autres pour vérifier qu'on la suit bien. Jaz taquine Valentin qui peine à dissimuler son amusement derrière son air blasé, tandis qu'Adam encourage vaillamment ma colocataire à poursuivre son œuvre. Ania et Leander débattent ardemment sur un énième sujet que seuls eux saisissent, privilège de jumeaux. Encore une histoire de créature mystique ou bien de plantes rares, selon qui a lancé le sujet. Fermant la marche, Liam et moi observons ce petit monde à la fois attendris et perplexes. Nous sommes comme deux instits surveillant leur classe de gamins turbulents, nous demandant comment ils parviennent à dégager autant d'énergie en dépit de nos emplois de temps de ministre. Hélas, avant même d'atteindre le dortoir, nos téléphones teintent dans une certaine cacophonie, balayant de leur douce sonnerie toute l'allégresse qui planait sur notre groupe. Pour que nous recevions tous une notification au même moment, cela ne peut signifier qu'une chose : nous sommes convoqués au nouveau Quartier Général de mon père, aka la salle de classe 108.

- Je crois qu'ils ont juste oublié un détail... se plaint Charline dont la déception est palpable en sortant son portable pour prendre connaissance du message.

Adam lui adresse un regard interrogateur, lui-même face à son écran. La convocation est lapidaire et ne comporte que deux lettres : « QG ». Mon père, le roi des formules de politesse...

- On est toujours étudiant, explique la française. Ce qui signifie qu'on a des devoirs, des contrôles à réviser et une vie de jeunes, autant d'expériences qui nous demandent du temps et de l'énergie. Je sais pas comment vous faites pour tenir le rythme avec nos nouveaux jobs...

- Comment t'arrives à accumuler autant de retard ? s'étonne Leander avec humour. La vie de jeune, ok mais pour les cours, on peut pas dire que t'y consacres des heures et des heures...

- Figure-toi que si ! s'offusque-t-elle. J'ai repris ma vie en main.

Un élan de stupeur immobilise notre cercle, ce qui semble agacer Charline.

- C'est nouveau ça... la raille Jaz. Depuis quand ?

Le visage de la jeune fille aux cheveux violets s'assombrit, ses épaules s'avachissent.

- Depuis que le père de Will m'a fait réaliser que mon comportement ne servait à rien. Ça énerve mon père mais rien de plus. Alors que si je réussis mes études, je pourrais devenir quelqu'un et vraiment lutter contre lui. Je pourrais être diplomate ou bien avocate et empêcher les cons dans son genre de maltraiter les plus faibles, comme il a humilié ma mère.

J'ignore la teneur de son histoire mais je m'abstiens de l'interroger à ce sujet maintenant. Des sourires fiers et ravis déforment les visages de mes compagnons qui congratulent chacun de leur geste ou de leur petit mot l'intéressée aux joues qui se fonderaient presque avec sa coloration.

- Elle a même réussi à gagner six points sur sa moyenne ! signale Adam avec fierté, sûrement le seul au courant de la nouvelle détermination de sa meilleure amie.

- En même temps, en partant de deux et demi sur vingt, c'était pas difficile, souligne celle-ci avec modestie et un brin d'humour.

- Certes mais ça reste un début, l'encourage-t-il malgré tout en passant un bras sur ses épaules.

Plus vite que prévu, nous pénétrons dans le long couloir de l'aile réservée aux bureaux et quelques rares salles de classe autrefois utilisées pour certaines options avant d'atteindre la fameuse salle 108.

L'Ecole des Neuf Muses (T2)Où les histoires vivent. Découvrez maintenant