Chapitre 25

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C'est dans le même état léthargique que je rejoins ma bien aimée infirmerie. Je me laisse ausculter sans résistance, réponds aussi précisément que je le peux à leurs questions et bien vite, le verdict tombe : un verre d'eau fraiche pour me ramener parmi eux et du repos pour digérer l'état de choc. Rien de bien grave en somme. J'en rirai presque. On n'est jamais passé aussi prêt de la catastrophe et je dois seulement dormir ? La bonne blague ! Si c'est de sommeil dont j'ai besoin pour me remettre de cette soirée, je pense qu'elle va pouvoir rejoindre la longue liste des traumatismes à vif. Malheureusement, le sommeil me fait toujours défaut... Quelle ironie !

Néanmoins, j'avale mon verre d'eau avec plaisir. Bien que l'assistante d'Amanda m'enjoigne de rester au lit et me « reposer » donc, je ne l'écoute pas. Non-seulement je serais bien incapable de dormir mais je n'ai à l'heure actuelle que deux besoins fondamentaux ; faire disparaître tout ce sang de mon corps et avoir des nouvelles d'Adam. Imaginant qu'il doit être en plein examen lui aussi, je décide de commencer par la douche. L'infirmière tente de me dissuader mais un ordre suffit à la faire cesser. Dans l'embrasure de la porte se tiennent Karen et mon père. Si la première affiche le plus évident des soulagements, mon père semble péniblement se retenir d'exploser. Mais il ne dit rien, se contentant de me fixer de son regard meurtrier. J'hésite, ne sachant quoi faire. Des excuses ? cela parait un peu simple.

- Va prendre ta douche, Will, m'intime avec douceur la conseillère d'éducation. On parlera après.

Je ne me fais pas prier. Avec empressement, je retire mes vêtements tachés, découvrant de nouvelles marques violâtres sur mes hanches, le bas de mon dos et de mon ventre. Quelques rougeurs apparaissent également sur mes jambes et mes bras mais celles-ci sont moins impressionnantes. Comme détachée de mon corps, j'inspecte ces différentes tâches sans vraiment réaliser qu'elles sont sur ma peau. Le jet d'eau brûlant m'arrache quelques picotements douloureux mais je les accueille avec délice. A chaque fourmillement, c'est un peu plus du cauchemar de cette soirée qui disparaît dans les canalisations. Je voudrais frotter ma peau jusqu'à la brûlure, mettre mon cerveau sur off mais je n'y parviens pas. Sans cesse, le fiasco de ce soir revient par bribe. Les deux cadavres autour de moi, Adam recroquevillé par terre, la main qui chassait mes cheveux pour dégager mon cou, la seringue, le soldat de mon père... Tout cela devient un affreux maelstrom qui me donne le tournis.

Le souffle rétrécissant, je sens la crise de panique poindre. Sans attendre, je plonge la tête sous le jet en saisissant le robinet. D'un geste du poignet, j'abaisse la température pour que l'eau glaciale me fasse recouvrer mes esprits. La morsure du froid agit, je grelotte mais je retrouve le contrôle de ma respiration. Je me résigne à sortir.

Je repère une pile de vêtements propres posés sur la chaise, les sales ayant disparus de la salle de bain. J'enfile le t-shirt trop grand et le pantalon de survêt avec gratitude : c'est confortable et toujours plus agréable dépourvu de taches de sang.

Lorsque je reviens dans la chambre commune de l'infirmerie, j'y retrouve comme convenu mon père et Karen. Celle-ci discute avec Amanda et désignant le deuxième lit occupé. Malgré son visage tuméfié, Adam semble y dormir sereinement. Un élan d'amertume inattendu me traverse en le voyant si paisible dans les bras de Morphée alors que je sais que ce même bien-être m'est inaccessible. Pourtant, tout est sa faute.

Surprise par ma rancœur, je secoue la tête pour chasser mes idées noires. Mon mouvement attire l'attention de mon père, occupé sur son téléphone. Vu que ses hommes ont été introuvables, j'imagine qu'il doit avoir beaucoup à faire. Docile, je me dirige vers le lit qui m'est destiné.

- Will ! comment tu te sens ? s'enquiert Amanda. Tes analyses sont bonnes, tu devrais vite te rétablir.

N'ayant pas envie de lui répondre par un sarcasme, je garde le silence. Mais mon visage semble parler pour lui.

L'Ecole des Neuf Muses (T2)Où les histoires vivent. Découvrez maintenant