Chapitre 37

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Le repas fut donc frugal mais sympathique. Victoire et Logan, fraichement installés dans un minuscule appartement de fonction dans le dortoir moderne, semblaient enthousiastes de leurs vingt mètres carrés à se partager. Si Logan s'en contentait par attrait de la nouveauté, ce studio complet tenant dans la superficie habituelle de sa chambre, la future maman s'amusait d'enfin le faire gouter, avec un peu de retard, à la promiscuité imposée par un si petit espace que connaissent tous un jour les « jeunes lambdas ». Il fallut tirer la table vers le lit deux places pour que nous puissions nous assoir tous les cinq, et la conversation ne dériva pas une seule fois sur mauvaise nouvelle, Adam nous ayant briefés, Mathias et moi, sur les sujets que l'on pouvait aborder, de ceux qu'il fallait éviter devant sa belle-sœur ; ainsi, toute mention de l'Ecosse, de voiture, et plus largement, d'Octavius était proscrite, afin de lui éviter un stress provoqué par son amnésie récente. Les consignes de Karen et Amanda étaient claires : y aller en douceur, progressivement, en tentant de solliciter sa mémoire d'abord avec les souvenirs heureux de Noël, puis peu à peu des événements de plus en plus récents. Selon les deux femmes, cela permettrait à Victoire de reconstituer doucement, à son rythme, le déroulement de ces trois mois. Adam et Logan jouaient le jeu avec une délicatesse touchante. Ils ne s'autorisaient jamais plus d'un détail ou d'une brève citation d'une conversation échangée, dans l'espoir d'une infime réaction sans pour autant se risquer à la brusquer. Avec humour, ils se moquèrent de leurs parents qui, depuis l'annonce de la grossesse, réfléchissaient sérieusement à leur histoire d'aménagement du grenier pour en faire un grand dortoir à petits-enfants et avaient déjà fait appel à trois architectes pour trouver un moyen de faire un accès sécurisé aux combles tout en préservant le charme de la maison, alors que le bébé n'était même pas encore arrivé, et n'était certainement pas près de marcher – et encore moins monter un escalier – dans l'immédiat. Car oui, nous apprit Logan, finalement, il n'était plus du tout question d'acheter l'hôtel particulier à proximité de Grasse. Xavier s'est découvert une grande sentimentalité depuis qu'il s'apprête à devenir grand-père et refuse catégoriquement de quitter la demeure familiale, qui a vu grandir ses quatre enfants, a accueilli sa « famille étendue » comme il l'appelle, et dont les murs résonnent de tous leurs souvenirs, et résonnera bientôt des rires – et des cris – d'un nouveau Lombardo.

Cependant des travaux plus urgents occupent leurs parents. De fait, ceux-ci prévoient un magnifique cadeau pour l'arrivée du bébé ; ils offrent au jeune couple un immense terrain constructible en bordure de leur propre domaine, avec pour projet de leur construire leur propre petit nid-douillet, à quelques dix minutes à pied de la demeure familiale. Un moyen de préserver l'intimité de leur foyer, tout en restant à proximité des autres membres de la famille. Une merveilleuse attention qui ravit tout le monde, à l'exception d'Adrien qui considère que son droit d'ainesse aurait dû lui donner la priorité sur un tel présent. Mais cela ne suffit pas à gâcher le bonheur des futurs parents. Logan semble pleinement s'être fait à l'idée, et comme nous le présagions, nous confirme sa fiancée avec tendresse et malice, se montre déjà papa-poule. Mon père lui ayant libéré quelques heures pour rester aux côtés de sa belle, ce dernier en profite déjà pour éplucher sites internet et bouquins en tout genre sur la parentalité, ainsi que les catalogues de landaus, berceaux, biberons et autres pièces d'artillerie nécessaires à l'arrivée d'un premier enfant. Même Diane, autrefois réservée vis-à-vis de sa belle-fille, s'est finalement déridée et fait montre de beaucoup de gentillesse, de sollicitude et d'affection envers la jeune femme, s'enthousiasme l'intéressée, comme soulagée d'être enfin pleinement acceptée par sa belle-famille. Derrière elle, Logan la couve d'un regard tendre, le sourire simple aux lèvres tandis qu'elle s'anime, emportée dans son récit d'anecdotes cocasses que lui a révélées Diane sur l'enfance de la fratrie Lombardo. Adam bougonne d'être ainsi affiché, logé à la même enseigne que son frère dont toutes les petites bêtises d'enfant seront tôt ou tard révélées au grand jour, mais une lueur amusée ne quitte pas ses yeux. Même Mathias, bien que visiblement un peu gêné d'être ici, paraît passer un bon moment.

L'Ecole des Neuf Muses (T2)Où les histoires vivent. Découvrez maintenant