Chapitre XXVIII

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K R I S T E N


Je n'ai aucun souvenir de vacances en dehors de l'Angleterre. Je suis plusieurs fois allée au bord de mer chez ma grand-mère mais c'est la seule destination que je connais. Mon père avait juste assez pour nous permettre de vivre confortablement et malgré de nombreux sacrifices, il n'a jamais réussi à m'emmener en voyage.

Alors à chaque minute et chaque seconde, je profite d'être ici pour me créer des souvenirs. Que ce soit les petits déjeuners avec plus de fruits qu'il n'en faut, le bruit des vagues qui s'échouent ou encore la douceur du soleil sur ma peau, je ne veux pas en perdre une miette. Je remercie Ingrid d'avoir glissé un appareil photo dans mes valises. La pellicule est déjà pleine d'instants capturés, de la maison, de nos balades avec Achille ou encore des photos prises à l'insu de ce dernier. Depuis notre discussion à notre arrivée, Achille n'a rien tenté. Pas même quand je me glisse sous les draps la nuit.

La première journée, Achille a tout fait pour me garder éveillée afin que je m'habitue au décalage horaire, en me proposant une randonnée. J'ai fini par lui demander de me porter sur son dos, car j'étais dans l'incapacité de faire un pas devant l'autre sans tomber. Je me suis d'ailleurs éraflée la cheville et j'ai bien remarqué le regard tueur d'Achille quand j'ai essuyé ma plaie et lui ai proposé de lécher mon doigt.

Les jours passent et je me sens de plus en plus à l'aise avec Achille. Je me suis de nombreuses fois regardée dans le miroir et me suis répétée que je le détestais. Il est tout ce que j'ai toujours haï.

Un vampire.

L'homme qui m'a arraché à ma vie sans le moindre remords avec pour simple excuse que je suis liée à lui. Achille est celui qui m'a interdit de sortir du château. Il m'a pris ma liberté. Mais alors je tente de me souvenir de toutes les mauvaises choses qu'il a faites pour moi, je me souviens de New York, des goûters que je lui ai imposés, des séances de cinéma à mon retour de Londres. De son regard et ses mots quand il m'a retrouvée après mon enlèvement dans le château. Je me souviens de la soirée de nos fiançailles. Je me doute que le lien a un rôle à jouer dans ma manière de penser mais je ne peux pas passer outre mes convictions pour lui.

C'est pour cette raison que lors de la troisième journée, je me rebelle. La journée est encore chaude et Achille ne porte que son maillot de bain quand je le rejoins sur la plage. Il lit paisiblement sur un bain de soleil quand je lui arrache son bouquin des mains et le balance dans le sable. Je fournis un effort surhumain pour ne pas dévisager son torse luisant. Il plisse des yeux en me regardant alors que je fais les cents pas face à lui, les mains qui me tirent les cheveux.

— Je peux savoir ce qu'il se passe ? Je n'ai pas pu mettre mon marque-page.

— C'est le plus important tu crois ?! Sérieusement Achille ! Je- Aaaah tu m'exaspère tellement ! Je crie vers le ciel.

— Je peux savoir en quoi ? Je n'ai pas bougé de ma place depuis une 1 heure.

— Parce que j'ai l'impression de passer à côté de tous mes principes, de toutes mes valeurs, et pourquoi ? À cause d'un lien à la con ! Et toi, tu es là comme si c'était totalement normal que je me relie à la cause des vampires alors que je vous déteste ! C'est à cause de vous que mon père est mort et à cause de vous aussi que des personnes n'ont pas assez de sang dans les hôpitaux parce qu'il y a un putain de lobby pour vous nourrir ! Je ne peux pas accepter ça, c'est au dessus de moi et j'ai l'impression que j'oublie tout ça à cause de toi !

— Voilà la preuve que le lien ne te fait pas dévier de tes convictions, tu viens de balancer mon livre à l'autre bout de la plage pour la simple raison que tu t'inquiètes pour la situation de ton peuple, explique Achille en se levant et en se mettant face à moi. Et je t'en prie déteste-moi autant que tu veux sur le plan politique, ce sera ta force pour rédiger des lois bénéfiques pour les humains. Déteste-moi tellement que tu me livreras une guerre s'il le faut pour le bien-être de ton peuple. Rappelles aux vampires votre puissance. Montre-moi le pouvoir de ta haine.

GardienneOù les histoires vivent. Découvrez maintenant