Gardienne

Chapitre XXXIX

K R I S T E N

Aucun livre, aucune stratégie ne pouvait me préparer aux années qui défilent. Je viens de célébrer les jubilés de mes 70 ans de règne et j'ai toujours du mal à croire qui je suis. Je devrais être ridée ou morte mais j'ai toujours la beauté de mes 25 ans. J'ai passé toutes ces années à faire le bien pour mon peuple. J'ai tout mis en œuvre pour que la médecine humaine avance et pour mieux appuyer mes choix, j'ai passé mon doctorat. Je me suis disputée des milliers de fois avec Achille sur les décisions que je prenais comme le jour où j'ai lancé la phase de test pour le traitement à base de sang de vampire.

Et on peut dire que le couple royal n'a jamais autant été divisé qu'à ce moment-là.

Mais je n'ai pas lâché l'affaire, en réalisant des études moi-même à partir de mon propre sang et de celui de bénévoles. 7 ans plus tard, un traitement a vu le jour et grâce à lui, j'ai trouvé un remède aux plus grands maux de l'humanité. J'ai aussi appris à utiliser mon don de guérison sans m'évanouir. Lors des premières années, je soignais pas plus d'une ou deux petites blessures avant de me mettre à saigner du nez. J'ai passé des années avant de le maîtriser et de devenir un vrai soutien lors de catastrophes.

Je suis devenue la gardienne la plus appréciée de toutes et une figure féminine que les petites filles admirent. J'arrive à lire la fierté dans le regard de mon mari à chacune de mes représentations publiques. Et bien que mes premières années aient été brouillons, je le sais maintenant, je suis née pour être gardienne.

Je donnerai beaucoup pour l'être éternellement.

Mais l'envie de fonder une famille devient de plus en plus présente et je ne pensais pas que cela allait être aussi difficile. Cela fait 20 ans qu'Achille et moi mettons tout en place pour avoir notre enfant. Je ne compte plus le nombre de thé à l'ortie que j'ai pu boire ou encore les acrobaties que j'ai faites après un rapport - acrobaties qui ont donné lieu à nos plus grands fous rires. Cela fait maintenant 5 ans que nous avons remis ça au destin mais je vois bien la déception quand j'annonce à Achille que j'ai toujours mes saignements semestriels.

***

— Connor, dis-moi que je suis tranquille ce soir.

— Ouais, pendant 24h ! s'exclame mon ami.

Je tape dans la main de Connor avant de m'avachir dans mon fauteuil. Les vacances sont si rares que je saute de joie dès que j'ai plus de 12 heures de repos. La tête contre la vitre de la voiture, j'observe les rues de Paris. J'ai arrêté d'être surprise d'avoir un pied à terre dans chaque capitale mais je suis tombée amoureuse de celle de France. Les rues animées, l'accent français ou encore la gastronomie ont placé ce pays en numéro deux de mes pays favoris. Le premier restant l'Écosse, pour la simple raison que c'est là où se trouve mon chez moi.

Une fois dans mon appartement du 16ème arrondissement, Connor me laisse tranquille pour que je me repose. Je retire mes escarpins et me masse la plante des pieds avant de me servir un verre de sang. La journée a été longue avec toutes les interviews concernant les vaccins contre la pollution. Le liquide visqueux est une bénédiction pour ma gorge sèche et il sera encore plus exquis dans un bain.

L'eau chaude me détend instantanément et je m'autorise à faire un tour sur mon téléphone pour joindre Achille quand je remarque la date que nous sommes. Sans la moindre hésitation, je sors de la baignoire, éclaboussant tout sur mon passage. Couverte de mousse, je traverse l'appartement, manquant de glisser plus d'une fois à la recherche de mon sac à main. Une fois l'objet de ma convoitise en main, je m'assois sur le canapé que je trempe et me pique le doigt. Trois gouttes de sang sur la languette et je n'ai plus qu'à attendre la minute trente la plus longue de ma vie. Je fais les cent pas dans le salon et après ce qui me semble une éternité, le résultat apparaît. Je crois que mon cœur tombe sur le parquet et mes yeux me brûlent quand je l'appelle. Une seule sonnerie retentit.