Chapitre XXXII

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K R I S T E N


Dans l'imaginaire collectif, les lunes de miel sont pleines de chaleur et de moments intimes. En tout cas c'est ce que je crois. La soirée se finit vers trois heures du matin et les derniers invités quittent les lieux. Quand la lourde porte se ferme, je pousse un soupir bruyant, en retirant mes escarpins, ce qui fait rire Connor et Achille. La pierre froide sous mes pieds est un miracle au point qu'un gémissement de bonheur franchi mes lèvres. Connor nous enlace en nous souhaitant une bonne nuit avec un nombre incalculable de sous entendu. Et alors que mon cerveau s'embrume de fatigue, les signaux d'alertes se déclenchent.

Comment ai-je pu oublier ce détail ?

Achille est mon mari et c'est notre lune de miel. Je me sens rougir jusqu'aux oreilles. Cela fait des mois que je n'ai pas montré mon corps à un homme. Je ne suis même plus sûre de savoir comment faire. Alors que nos respirations sont les seuls bruits ambiants, je me risque à tourner la tête vers mon jeune époux. Achille a déjà les yeux rivés sur moi, avec une poker face à en faire pâlir les joueurs professionnels. Je bégaye quand j'annonce que je vais me débarbouiller et il me propose de m'aider. J'aurai aimé lui dire que ce n'est pas la peine mais les minuscules boutons de ma robe et mon corset risquent de me donner du fil à retordre.

La marche jusqu'à ma chambre est pleine de tension et elle ne fait que s'intensifier quand nous arrivons à destination. La pièce ressemble de nouveau à une chambre et Ingrid a placé un kimono en soie et des pantoufles au bord de mon lit. Elle pense vraiment à tout. Je me place devant le miroir et retire la tiare. Ma robe est froissée à cause des danses, mon rouge à lèvres n'est plus que le fantôme de lui-même et mes cheveux ne sont plus aussi bien coiffés. Mes yeux descendent vers ma main gauche ornée de trois anneaux. Du mouvement derrière moi me tire de ma contemplation et ma respiration se bloque dans ma gorge. Achille a posé sa couronne à côté de la mienne mais mes yeux ne quittent pas son alliance quand il tire sur sa cravate et défait les premiers boutons de sa chemise. Je déglutit et passe à côté de lui pour ranger mon diadème dans son écrin. Je n'ai jamais éprouvé de gêne par rapport à mon corps.

Ce n'est qu'un amas de cellules et de vaisseaux sanguins.

Pourtant quand Achille dégage ma nuque, mon corps me semble trop serré. Une trainée de frissons suit le tracé des doigts d'Achille. La respiration haletante, j'ai du mal à reprendre le contrôle quand je peux sentir le souffle d'Achille sur ma peau nue.

— Tu ne vas quand même pas garder la robe pour dormir ?

— N-non ! je m'écris. Enfin je veux dire, ça ne serait pas très confortable.

Je vois bien qu'il tente de me faire parler pour faire baisser la tension mais aucun mot n'arrive à sortir correctement. Ses mains sont très agiles alors qu'il défait un à un les boutons de ma robe de mariée. Je peux sentir ma taille se libérer quand le tissu se fait plus lâche. Je me risque de lever les yeux vers le miroir et je croise les prunelles rouges d'Achille alors qu'il fronce les sourcils, concentré sur les morceaux de soie qui me couvrent. Mon cœur ralentit quand il se rend compte que je ne suis pas la seule à m'emballer.

— Nous avons passé une bonne soirée, non ? Je ne pensais pas que les invités s'amuseraient autant. Je me suis dit que les politiques allaient être tendus mais pas du tout. Le vin aide beaucoup en tout cas.

L'euphorie d'Achille me fait vibrer alors qu'il vient à bout des derniers boutons faisant tomber les manches le long de mes bras.

— Je me disais bien que tu étais trop silencieuse, se moque-t-il. Je préfère t'entendre.

GardienneOù les histoires vivent. Découvrez maintenant