IV. Souris grises à poudre blanche

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— 10 000 yens les deux cents grammes, grogna le dealer en regardant sans cesse à droite et à gauche. Je baisserai pas le prix, j'te préviens !

Kuro, bien à l'abri sous sa capuche, observait le jeune homme qui semblait bien trop jeune pour dealer de la drogue, surtout celle venant des Kosugi. De plus, quelque chose lui semblait bizarre... Où était le trentenaire habituel ? Celui qui avait été spécialement missionné par Noraneko pour ne vendre que le fin du fin des cargaisons acheminées depuis la Corée et la Chine ? Qui l'avait remplacé par ce gamin de tout juste vingt ans ? Dix neuf, peut-être...

Ce dernier paraissait nerveux, regardant partout autour de lui comme s'il s'attendait à voir un policier apparaître au bout de la ruelle pour l'emmener au poste le plus proche. Kuro croisa les bras en attendant qu'il montre la came tout en sachant qu'elle n'achèterait rien à cette souris grise à poudre blanche. La Maine Coon retint un rire en repensant au jour où Tensei avait surnommé les dealers de "souris grises à poudre blanche" : Noraneko s'était contentée de sourire, acquiesçant à la formulation en agitant ses oreilles et sa queue.

Lorsque le gamin lui tendit enfin le sachet de deux cents grammes pour qu'elle vérifie qu'il ne lui racontait aucun bobard, la trentenaire l'examina sous tous les angles tandis que sa jumelle se glissait derrière l'adolescent pour l'assommer. Une fois qu'il eut rejoint le pays des rêves, elles filèrent en se transformant en chat avant d'arriver dans la rue éclairée. Kuro tenait le sachet dans la gueule, Kira la guidait tout le long du chemin, comme d'habitude.

Elles reprirent forme humaine en arrivant devant la demeure familiale, Tensei leur ouvrit la porte d'entrée et les guida jusqu'au bureau où se tenait la noiraude. Derrière elle, deux gardes du corps qui se tenaient droits ; son cadet alla s'asseoir dans le canapé pour jouer sur son téléphone ou parler avec ses amis du lycée tandis que les jumelles lâchaient le sachet de drogue sur le bureau. Noraneko s'en empara pour l'observer, soulagée de voir qu'il s'agissait toujours du fin du fin de ses cargaisons et non une pâle copie.

— Il vendait ça combien ? demanda-t-elle en s'adossant au dossier de son siège en cuir.

— 10 000 yens, répondit Kuro. Alors que tu avais fixé le prix à 50 000 yens puisqu'il s'agit du fin du fin de la came.

— Ce n'était pas le dealer habituel, aussi, intervint Kira en passant une main dans ses cheveux.

— Toutes les souris grises vendant le fin du fin ont disparu, les autres me l'ont dit, grogna Noraneko.

Elle fit un geste et l'un de ses gardes du corps alluma la télévision avant d'augmenter légèrement le volume. Les deux Maine Coon grimacèrent en voyant que la police avait trouvé plusieurs corps échoués sur les rives de la Baie Hakata.

— Quelqu'un a commandité la mort de mes souris grises et les a remplacées par des débiles profonds qui vendent à un prix bien trop accessible. Il faut trouver qui a trahi la famille pour prendre le contrôle de mon business.

— C'est pour ça que tu as donné le dossier à la Commission de Sécurité Publique Héroïque ? lâcha l'une des jumelles.

— Oui, souffla la noiraude, je voulais voir si mes soupçons étaient fondés. Maintenant qu'on en a la confirmation, il faut que les héros s'en mêlent, quitte à abandonner le business. Et au niveau des armes ?

— Rien n'a changé, fit l'autre jumelle en s'asseyant sur l'accoudoir d'un fauteuil. Tout est normal, probablement que le traître s'est dit que tu le remarquerais trop vite s'il avait touché aux armes. Faut dire qu'il avait raison... On a mis du temps avant de capter pour la drogue.

Noraneko hocha la tête avant de regarder son frère qui faisait mine de ne rien écouter alors qu'il était attentif à tout ce qui se disait - elle le savait grâce à la façon dont il bougeait ses oreilles. D'un geste de la main, elle chassa les jumelles et ses gardes, attendant ensuite qu'ils sortent de la pièce pour qu'elle puisse parler à son frère. La jeune femme alla s'asseoir en face de lui, dans l'autre canapé, et croisa les jambes avant d'y poser son coude pour faire reposer sa tête dans sa main.

— Tensei, l'interpella-t-elle.

L'adolescent de dix-sept ans leva la tête après quelques secondes, rangeant son portable dans la poche ventrale de son sweat à capuche. Il agita ses oreilles de chat gris, signe qu'il était attentif à ce qu'elle allait lui dire. Ou lui demander.

— J'aurais besoin que tu accomplisses une petite mission pour moi. Ne t'inquiète pas, c'est quelque chose de simple : tu devras simplement apporter à l'agence de Hawks un dossier au nom de Noraneko - Hana te conduira à l'oiseau. Je te donnerai un masque pour éviter qu'il ne connaisse ton visage, continua la noiraude.

— Je dois faire ça quand ? demanda le jeune homme en se redressant.

— Disons le 4 février. Ne t'étonne pas si quelques-uns de mes hommes kidnappent le numéro 3 devant tes yeux...

— Qu'est-ce que tu vas lui faire ?

— Juste lui montrer que Noraneko et Bastet sont la même personne.

Un silence passa tandis que frère et sœur se regardaient droit dans les yeux. Tensei soupira lorsqu'il eut confirmation qu'elle ne toucherait pas à un seul cheveu du héros, du moins, pour l'instant. Il se leva, prêt à retourner dans sa chambre pour continuer à jouer l'adolescent normal.

— Tensei, fit la femme-chat. J'espère que je pourrai compter sur toi...

Même s'il lui tournait le dos, le lycéen pouvait sentir les yeux jaunes de son aînée suivre chacun de ses mouvements. Donc il s'efforça de rester détendu, retenant son envie d'essuyer ses mains moites sur son pantalon. Il déglutit difficilement.

— Toujours... coassa-t-il avant de quitter la pièce en fermant la porte du bureau derrière lui.

L'aînée Kosugi cligna des yeux avec lenteur lorsqu'il disparut dans le couloir. Même si elle n'en avait pas envie, elle devait se méfier de tout le monde. Y compris de son petit frère.

Like a dr*g || MhaOù les histoires vivent. Découvrez maintenant