XVI. Droguée

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Noraneko avait la tête lourde, les membres engourdis et la langue pâteuse. Et une putain de migraine qui faisait tanguer le monde autour d'elle. Droguée. Elle avait été droguée. Elle, la célèbre Noraneko Kosugi, cheffe du Clan Kosugi.

Constatant qu'il y avait de l'agitation autour d'elle, la noiraude garda les yeux fermés, rassurée d'avoir encore la plume de son bel oiseau autour de son cou. Tendant l'oreille, elle tenta de comprendre quelques mots, constatant qu'il y avait trois ou quatre langues différentes dans les conversations : du japonais, du coréen, de l'anglais et probablement du mandarin. Certains avaient des accents à couper au couteau, ça lui rappelait les cours de coréen donnés à Tensei quand il avait huit ans - son petit frère avait un accent désagréable à entendre.

— Qu'est-ce qu'on fait d'elle ? grogna quelqu'un en coréen.

— Le tigre a dit de la laisser en vie, mais de lui redonner une dose à chaque fois qu'elle se réveillerait, répondit un autre dans le même dialecte avec des traces d'accent chinois dans la voix.

Tora, pensa aussitôt Noraneko. Ce sont probablement ses subalternes autour de moi.

Bizarrement, elle n'avait pas peur. Elle ne s'inquiétait pas vraiment de son sort, ayant pris en compte l'impulsivité de son cousin pour la fin de la mission, menant ainsi à la fin de son trafic de drogues. La jeune femme se fichait bien de perdre cette source de revenus, elle en avait d'autres, que ce soit ici ou ailleurs.

Malheureusement, elle qui voulait se faire discrète et paraître encore dans les vapes, ce fut raté lorsque son ventre commença à faire un vacarme de tous les diables, gargouillant à cause de la faim. Les conversations se turent une à une, Noraneko put sentir alors tous les regards se poser sur elle. Ces hommes étaient prêts à la droguer de nouveau, même si elle avait l'estomac vide. Elle ouvrit donc les yeux pour leur transmettre toute sa haine à travers ses pupilles dorées. Tout son être leur disait d'aller se faire foutre.

L'un des hommes s'avança, n'ayant pas l'air bien menaçant, n'ayant pas l'air bien méchant malgré les griffures, encore récentes, à sa joue. Lentement, il s'agenouilla pour la regarder dans les yeux et eut un rictus, amusé par la situation. Soudainement, il lui attrapa le menton pour la regarder, l'hybride se retint in extremis de lui cracher au visage.

— Calme, princesse Kosugi, fit-il doucement, presque avec tendresse. Personne ne te touchera, toi seule pourrais le faire. Oh, mais j'y pense... Tu es si affaiblie par la drogue que tu ne pourrais même pas lever le petit doigt pour nous griffer, pour me griffer comme tu l'as si bien fait tout à l'heure.

— Va te faire voir, grogna-t-elle en s'agitant.

Le tintement des chaînes lui permit de savoir qu'elle était attachée au mur derrière elle. Si elle forçait pour sortir ses poignets, elle se déboiterait l'épaule, l'empêchant de se battre comme elle l'avait fait lors de son kidnapping.

L'homme cria quelque chose en mandarin à l'un des hommes assis sur une caisse de bois, renforçant l'idée qu'ils étaient dans un entrepôt, probablement récent vu l'état des lieux. Les yeux dorés de la femme-chat regardaient aux quatre coins du hangar tandis que ses oreilles noires captaient les cris des mouettes et le ressac des vagues. La mer ? Était-elle dans la baie de Fukuoka, la baie de Hakata ?

Noraneko se reconcentra sur l'échange en mandarin, comprenant qu'on allait de nouveau la droguer en lui faisant ingurgiter de la nourriture pour faire taire son ventre qui criait famine depuis plusieurs minutes. La nourriture demandée fut apportée quelques minutes plus tard, décorée par de la poudre blanche.

L'homme mélangea avant de lui pincer le nez pour l'obliger à ouvrir la bouche - la noiraude allait bien devoir respirer à un moment donné. Cette dernière se débattit autant qu'un diable de Tasmanie, voulant échapper à la drogue afin de rester consciente. Malheureusement, ses poumons en feu lui réclamèrent de l'air. Elle ouvrit la bouche. La drogue fut avalée. Elle sombra à nouveau dans les limbes d'un sommeil sans rêve.

Quand Noraneko reprit ses esprits, il faisait nuit, quelques hommes continuaient de discuter autour d'elle, lui jetant probablement quelques regards pour s'assurer qu'elle restait aussi inoffensive qu'un chaton nouveau-né. L'hybride mit un peu de temps à comprendre que la plume bougeait, comme si Hawks cherchait à la localiser en écoutant les bruits perçus par sa plume rouge.

La jeune femme baissa un peu plus la tête, son nez touchant presque sa poitrine, et murmura faiblement ce qu'elle savait : entrepôt, île, baie de Hakata, beaucoup d'hommes. Pas un mot sur la drogue ou les coups reçus tout à l'heure alors qu'elle sombrait. Il ne faudrait pas inquiéter le blond, son état importait peu de toute manière, l'essentiel était d'arrêter Tora Kosugi, ce tigre traître au Clan et qui avait eu l'audace de s'attaquer à la cheffe de famille. Ce con allait mourir. Et de ses propres mains s'il fallait.

Elle cessa de bouger lorsqu'un homme vint lui donner un coup de pied dans les jambes pour voir si elle dormait toujours sous les effets de la drogue. Sa tête dodelina contre le mur, sans qu'elle ne réagisse davantage, ses griffes plantées dans ses avant-bras pour éviter de crier de douleur, de frustration et de folie.

Noraneko resta donc sur le qui-vive pour connaître la position de chacun grâce au bruit de leurs pas. C'est ainsi qu'elle sut que son cousin était arrivé : il avait le pas plus léger que ses sbires dégotés elle ne savait où. Tora s'approcha de sa cousine et l'attrapa par les cheveux pour l'obliger à ouvrir les yeux, ce qu'elle fit non sans lui cracher au visage malgré la douleur qui la faisait grimacer.

— Alors, chère cousine, qu'est-ce que ça fait d'être traitée ainsi ? demanda le tigre en souriant.

— Peu importe ma condition, je reste la cheffe de Clan, affirma la noiraude.

— Hm... Comme on dit, seuls les cons et les fous ne changent pas d'avis.

— Tu parles de toi à la troisième personne, maintenant ?

Tora sortit les griffes, prêt à la défigurer, lorsque la porte de l'entrepôt sortit de ses gonds à l'apparition explosive de Hawks, Nekomata, Mirko et Némée.

Like a dr*g || MhaOù les histoires vivent. Découvrez maintenant