X. Roses de sang

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— C'est du sang ?

— Non ? hésita Noraneko en s'emmitouflant dans la veste.

— Ce n'est pas une question à laquelle tu peux répondre par une autre question ! s'écria Hawks en lui arrachant son masque.

L'objet atterrit dans la neige, montrant les éclaboussures rougeâtres sous la lumière blanche du lampadaire. Les flocons tourbillonnaient jusqu'aux cieux, brouillant le paysage du parc à l'instar des pensées brouillées du héros.

Ce dernier prit les mains de la noiraude dans les siennes, continuant d'observer les roses de sang qui avaient fleuri sur la noirceur de la robe sirène de l'hybride. Qu'avait-elle fait ? De quelle atrocité avait-il donc été complice ce soir ? Ces questions pesaient plus lourds que la neige qui leur couvrait doucement les épaules. Les ailes de plumes rouges les entourèrent pour les protéger du froid tandis qu'ils se regardaient dans les yeux.

— Est-ce que c'est du sang ? répéta le blond, plus durement qu'il ne l'aurait voulu.

Noraneko Kosugi baissa la tête, avouant dans son silence le crime qu'elle avait commis. Ça la dégoûtait déjà bien assez d'avoir ôté la vie, elle qui demandait toujours à quelqu'un d'autre de se salir les mains, usant des autres comme des objets pour se protéger. Et même si c'était elle qui avait du sang sur les griffes cette fois-ci, elle avait fait du héros ailé un complice, un coupable par défaut, juste parce qu'il l'avait accompagnée.

Keigo leva une main pour regarder le cou de l'hybride, cette dernière retint son souffle. Elle avait des roses de sang jusque sur sa peau blanche et froide comme la neige qui tourbillonnait autour d'eux. Du pouce, le jeune homme caressa les pétales rouges, tentant de les effacer sans y croire : la femme-chat avait le corps taché du sang d'anciennes victimes, il pourrait effacer ces roses ensanglantées autant de fois qu'il le voudrait, rien effacerait les crimes commis.

— Pourquoi tu as fait ça ? murmura-t-il en collant son front au sien.

Elle ferma les yeux, laissant ses petites mains dans celles du héros. Une larme roula le long de sa joue et ce fut tout son corps qui trembla de honte et de culpabilité. Noraneko voyait le corps du subordonné d'All for One étendu entre des cartons, une immense rose de sang décorant sa gorge ; elle ouvrit ses paupières pour échapper à cette vision de mauvais films d'horreur et croisa le regard doux et sombre de Hawks.

— Parce qu'il travaillait pour All for One, et pour Shigaraki et ceux qui veulent me voir tomber... murmura-t-elle en retour.

— Que vient faire Shigaraki dans cette histoire ? lâcha le blond.

— Je t'expliquerai bientôt, promis...

Il l'attira à lui, passant ses bras dans son dos pour la garder contre son torse. Les ailes rouges se firent plus grandes, devenant si immenses qu'elles cachèrent la lumière du lampadaire solitaire. Noraneko ouvrit la bouche et murmura quelque chose qui le fit trembler.

— Les chats veillent et font fleurir les roses. Fukuoka est un jardin ensanglanté.

— Tais-toi ! grogna le héros.

— C'est ainsi, Keigo. Fukuoka est un jardin de roses de sang...

Le masque de la noiraude éclata en morceaux lorsque l'oiseau marcha dessus par inadvertance. Les deux regardèrent les éclats en silence, sachant bien qu'il rappelait les autres cachotteries de la jeune femme. Le blond regarda cette dernière en la lâchant doucement, fixant les roses de sang décorant l'hybride.

— Shigaraki, le meurtre, ton identité, la mission en elle-même, énuméra-t-il presque agressivement. Sur combien de trucs m'as-tu menti ? Tu veux que nous soyons alliés, mais tu caches des choses ! Quel genre d'alliés fait ça, au juste ?

— Le genre qui a tout à perdre ! cria la jeune femme.

— Ah oui ? Et perdre quoi ?

— Ma famille ! Mais tu ne peux pas comprendre vu que tu n'en as jamais vraiment eu une !

Noraneko porta aussitôt ses mains à sa bouche, le sentiment de culpabilité lui mangeant déjà les entrailles. Ses oreilles et sa queue pendaient, inertes, tandis que la neige lui glaçait les os. Keigo écarquilla les yeux en l'entendant, comprenant qu'elle avait enquêté sur lui : ça ne l'étonnait guère, après tout, elle était une espionne occasionnelle.

— Très bien. Très bien ! Puisque je ne peux pas comprendre et puisque tu ne me fais pas confiance, je te laisse te démerder !

Et ouvrant grand ses ailes, il décolla pour disparaître dans le ciel noir comme l'encre de Chine, laissant derrière lui sa veste, un masque brisé et une femme-chat se faisant bouffer par la culpabilité. Son cœur lui faisait mal, mais il ne devait pas y prêter attention. Il n'aurait qu'à dire qu'il abandonnait la mission, qu'elle était trop compliquée pour lui. Il n'aurait jamais dû fricoter avec des criminels pour une affaire en plus...

Némée vint chercher sa supérieure et la découvrit sous une épaisse couche de neige, les cheveux trempés et les joues rouges. Noraneko tremblait comme une feuille même une fois au chaud dans la voiture. La lionne se dépêcha de rouler jusqu'à la maison familiale pour donner un bain à la noiraude et la débarrasser de ses vêtements humides et froids.

Tandis que la patronne se relaxait dans l'eau chaude, Némée découvrit les roses de sang ornant la robe, comprenant aussitôt ce qu'il s'était passé pour que la cheffe du Clan ne se retrouve subitement seule.

— Némée...

— Hm ? émit l'interpellée en lavant les courts cheveux noirs de Noraneko.

— Est-ce que c'était une erreur..? Est-ce que je devrais laisser les traîtres me descendre..? Je suis si fatiguée... murmura l'hybride.

— Il faudra un peu de temps à Hawks pour accepter ce qui s'est passé ce soir. Ce n'était pas une erreur, c'était ta façon d'avertir les traîtres qui collaborent avec Shigaraki et All for One, mais... Peut-être que tu devrais tout dire à ton bel oiseau ?

N'obtenant pas de réponse, Némée regarda sa supérieure et se rendit compte que celle-ci s'était endormie grâce à l'eau chaude. Souriant doucement, elle la sécha et l'habilla chaudement avant de l'emmener dans son lit pour qu'elle se repose. Elle dégagea quelques mèches noires du front pâle de Noraneko et lui embrassa doucement le front avant de filer comme un fantôme, son cœur battant toujours aussi fortement pour cet amour à sens unique.

Like a dr*g || MhaOù les histoires vivent. Découvrez maintenant