Bip ! Bip ! Bip ! Bip !
Je tends un bras fatigué pour désactiver l'alarme de mon téléphone. Rapidement, mon cerveau est en alerte. J'embrasse Antoine alors qu'il dort encore, me lève le plus silencieusement possible, avant de me diriger vers la salle de bain.
Je me réveille ce matin avec une certaine appréhension dans le creux de l'estomac. Je suis ravie de retourner à la Grande Galerie de l'Évolution, évidemment. Et ravie d'y aller avec Anna. Mais je suis un peu stressée, aussi : comme je suis à l'initiative de cette sortie, je voudrais que tout soit parfait.
Je prends une douche, m'habille, me maquille soigneusement. Je passe une bonne demi-heure à essayer de coiffer mes cheveux. Ce n'est jamais une mince affaire : faire en sorte que les ondulations tombent correctement, soient bien définies, discipliner les frisotis... Je n'ose imaginer le temps qu'Anna doit y passer, elle qui a les cheveux vraiment très bouclés. Elle a de très beaux cheveux, et ils doivent lui demander beaucoup d'entretien.
Je suis enfin prête. J'enfile mon manteau et mes bottes. Je fais tourner la clef dans la serrure et quelques secondes plus tard, je suis dans le hall. Dans le grand miroir à côté de la porte d'entrée, je retouche un peu mon maquillage. Il n'y a pas de fenêtre dans la salle de bain d'Antoine, et il m'est toujours difficile d'avoir un résultat impeccable sans lumière naturelle. D'habitude, je m'en fiche un peu, d'ailleurs. Je ne me maquille pas beaucoup de toute manière. Mais aujourd'hui, j'ai envie d'être jolie.
Je cours jusqu'au métro, car à me retoucher dans le miroir, je me suis mise en retard. Heureusement, la rame est déjà là, et je saute dedans. Nous avons rendez-vous à 14h, et il est déjà 13h45.
Moi : Hello, je vais avoir quinze petites minutes de retard, je pense. Désolée !
Je range rapidement mon téléphone dans ma poche. Je ne voudrais pas qu'un passager me l'arrache des mains et sorte avec en courant à la prochaine station. C'est arrivé à Cléa, il y a huit mois. Elle n'avait rien vu venir. Elle a passé les semaines suivantes à dire à toutes ses connaissances de faire des sauvegardes de leurs données personnelles sur des disques durs externes, et de ne plus sortir leurs téléphones en public.
À 14h10, je sors du métro et me diriges jusqu'au musée. De loin, je vois Anna, qui pianote sur son téléphone portable. Elle est encore habillée tout en noir, avec des Dr. Martens hautes. J'ai comme un petit pincement. Je sais que le seul moyen de me débarrasser de ma boule au ventre, c'est d'engager rapidement la conversation, et de prendre un ton confiant.
-Salut ! Je lui lance alors.
Elle relève la tête, range son téléphone.
-Salut, me répond-elle avec un léger sourire.
Une de mes techniques favorites, c'est de demander ce que la personne a fait la veille. Cela fait parler l'autre en premier, tout en me permettant de rebondir. Et après, les choses se font toutes seules. Anna m'apprend donc qu'hier, elle a passé la soirée sur l'un de ses jeux préférés, un que je ne connais pas. Qu'elle était avec une amie, une qui ne vit pas très loin de chez ses parents, et qu'elles se sont couchées très tard. Qu'elle a à peine dormi. C'est étrange, je crois que cela me rend un peu jalouse. Je n'ai aucune raison, pourtant : moi aussi, j'ai plusieurs amis. C'est bien normal, et même tant mieux.
Nous arrivons au musée ; chacune paye son entrée. Je la laisse passer devant moi, son parfum m'enveloppe comme un foulard de soie. Il faudra que je lui demande duquel il s'agit, à l'occasion ; car elle sent divinement bon. Nous pénétrons dans la salle principale, et je me lance, fière et sûre de moi :
-Alors : Le bâtiment original de la Galerie de Zoologie a été construit entre...
Gros blocage. Impossible de me rappeler des dates, alors que j'ai fait ce musée des dizaines de fois. Anna me regarde, interloquée, et un début de sourire se dessine sur son visage. Je me mets à rire :
-Je ne me rappelles plus du tout !!
Anna rit à son tour :
-Merci ! Je vois que tu t'y connais !
-Tu es impressionnée, hein ?
-Complètement !
Alors, pour ne pas rester sur cet échec, je me dirige vers un grand panneau d'affichage et lis à voix haute :
-... Entre 1877 et 1889, sous la direction de l'architecte Louis-Jules André, puis son disciple Charles Rohault de Fleury. Il a été conçu pour abriter les collections zoologiques du Muséum, qui étaient auparavant dispersées dans différents espaces. Ce lieu a rapidement gagné une réputation mondiale pour la richesse et la variété de ses spécimens.
Nous continuons notre exploration, passant de galerie en galerie. Les vitrines remplies de fossiles, de minéraux et de pierres précieuses captivent notre attention. Nous discutons de l'évolution, de la paléontologie et de la beauté de la nature. Nous montons les différents étages, et passons bientôt devant une illustration de femmes nobles de l'époque de la Renaissance. Je déclare :
-Je sais bien que les nobles étaient représentés blancs pour les différencier du peuple, à la peau bronzée par leur travail aux champs, mais tout de même... Ce n'est pas humain d'être blanc comme ça... Ça ne fait vraiment pas naturel.
Anna ne dit rien et soulève une de ses manches, pour me montrer sa peau à côté de celle de l'illustration.
-Oh... Je n'ai rien dit.
Nous rions toutes les deux. Une fois au dernier étage, nous parlons écologie notamment, car il s'agit du thème de l'exposition. Elle prend quelques photos, çà et là. Je sens qu'elle me regarde quand je lis les panneaux, et souvent je croise son regard et nous nous sourions. À un moment, sa main frôle la mienne alors que je pose mon doigt sur un écran interactif, et je tourne la tête pour ne pas qu'elle me voit rougir.
Nous terminons le musée. Je n'ai pas envie de rentrer.
-Ça t'as plu ? Je demande.
-Oui, beaucoup !
-Tant mieux, cela me fait plaisir.
-Tu sais, il fait beau... On pourrait marcher un peu.
Je suis ravie de sa proposition, que j'accepte avec plaisir. Dès que nous mettons un pied dehors, je m'exclame :
-Attention !
Anna ne bouge plus, ouvres des grands yeux :
-Quoi ?
-Tu vas brûler...
Elle fronce les sourcils, incrédule mais amusée :
-Quoi ??
-Et bien, tu es super blanche, tu dors peu, tu as les mains froides... Tu ne peux être qu'un vampire !!!
Ma blague est vraiment très mauvaise, mais elle rit quand même.
-Tu ris par pitié, avoue...
-Je ne vois pas de quoi tu parles...
En marchant autour de la Galerie, nous tombons sur un vendeur de glace ambulant. Nous achetons toutes les deux un cornet, et nous continuons de discuter. Elle mange sa glace très rapidement :
-Mais !! Essaye de savourer un peu, non ?
-Je n'y arrives pas... Quand c'est dans ma main, je mange sans réfléchir.
Éventuellement, je l'emmène même dans ma librairie préférée, où nous faisons quelques achats. Puis, je dois me rendre à l'évidence : Il n'est que 18h, mais je n'ai plus d'idées pour la suite, et simplement marcher dans les rues me donnent l'impression de la retenir. Alors, je lui suggère :
-On rentre ?
Elle acquiesce.
Nous nous disons au revoir devant la station de métro, et je la regarde partir à regret. C'est drôle, je ne sais pas trop ce qui m'arrive. J'ai gardé le même sourire toute la journée sur le visage, et maintenant qu'elle est partie, je souris toujours. Mais j'aurais voulu que la journée passe moins vite.
Sa présence me fait l'effet d'un baume sur le cœur, mais pas de la même manière que Julie, par exemple : là, il y a quelque chose en plus. Quelque chose qui ne ressemble pas à un simple sentiment d'amitié.
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Tout ce que je veux te dire [wlw][TERMINÉE]
Roman d'amourClaire, étudiante en lettres à Paris, en couple avec Antoine, à déjà tracé toute sa vie. Et tout lui semble parfait, jusqu'à l'arrivée d'Anna. Inspirée d'une histoire vraie. Résumé plus long : À 22 ans, Claire jongle entre la vie tranquille de la c...