Tout ce que je veux te dire [wlw][TERMINÉE]

Questions sans réponses

Je retrouve Bertrand au café après les cours, ce soir. Nous nous installons à notre table habituelle près de la fenêtre. Le serveur nous apporte rapidement nos commandes : un café pour Bertrand et pour moi, un chocolat, avec un brownie et une boule de glace vanille cette fois. Nous entamons nos conversations habituelles, les cours, les profs qui nous énervent, les devoirs que l'on a du mal à terminer. Je lui raconte la journée que j'ai passé avec Anna au musée, hier. Toutes les choses que nous avons apprises, sur l'évolution du vivant, mais aussi l'une sur l'autre. À quel point elle me fait rire. Puis, je finis par me décider :

-Alors, tu lui as envoyé un DM sur Instagram ?

Bertrand hoche la tête, un sourire gêné aux lèvres.

-Je me suis abonné à son compte, et elle a accepté. Elle a dû voir qu'on avait Leïla comme amie commune. Mais je ne lui ai pas encore écrit, non.

Je le fixe, incrédule.

-Qu'est-ce que tu attends ? Jolie et cool comme elle est, elle ne restera pas célibataire longtemps.

Il hésite, joue nerveusement avec sa tasse. Il a complètement dispersé le nuage de lait à la surface de son café avec sa petite cuillère.

-En fait, je ne lui parlerai pas.

Je suis sidérée. Je m'exclame :

-La pauvre, je lui ai vraiment sauté dessus comme une folle. Tout ça pour toi ! Et tu ne lui parleras même pas ?

Il soupire et s'appuie contre le dossier de sa chaise.

-J'ai un peu fouillé dans ses abonnements, et elle est abonnée à des comptes LGBTQA+. Je ne pense pas qu'elle soit intéressée par les hommes...

Mon cœur rate un battement. Alors, elle préfèrerait les femmes ? Cette simple pensée me donne des fourmillements dans les mains. Mais je me ressaisis rapidement, et fronce les sourcils :

-Ça ne veut rien dire, Bertrand. Elle pourrait simplement soutenir le mouvement. Beaucoup de gens le font.

Il hausse les épaules, l'air pensif.

-Peut-être, mais je préfère ne pas tenter et risquer une situation embarrassante pour elle et pour moi.

Je pousse un soupir, essayant de comprendre sa position.

-Tu sais, tu pourrais juste lui parler en tant qu'ami. Pas besoin de tout compliquer. En plus, c'est idiot : elle pourrait être bi.

-Je préfère laisser tomber, dit-il après un moment de réflexion.

-Tu fais comme tu veux...

-Mais peut-être que toi, tu pourrais tenter quelque chose !!

-Moi ?!

Je tombe des nues. Pourquoi dirait-il une chose pareille ?

-Ne dit pas de bêtises... Je suis avec Antoine, en plus.

-Discutes-en avec lui... Ça pourrait être une bonne expérience...

Je m'offusque, le foudroie du regard :

-Bertrand, on n'est pas dans un porno, là.

Bertrand lève les yeux au ciel :

-D'accord, d'accord... Je disais ça comme ça. C'est juste que, j'ai l'impression que tu l'aimes bien...

J'essayes de m'empêcher de rougir, mais je ne sais pas comment faire. Alors, je me cache derrière mon chocolat chaud. Au pire, je pourrais prétexter que c'est la chaleur. J'articule, je l'espère, calmement : 

-Qu'est-ce que tu veux dire ?

-Tu es distraite en cours, tu souris à ton téléphone, tu me parles souvent d'elle, et puis depuis qu'on est arrivés, tu n'arrêtes pas de regarder ton téléphone et d'avoir l'air déçue... Elle ne t'écrit plus, c'est ça ?

Touché.

-Si, elle m'écrit toujours. Mais ce soir, elle va à la salle de sport avec Leïla. Elle est occupée, c'est tout.

-Elle va à la salle de sport ?? Il y a d'autre détails de ce genre que tu as oublié de me dire ??

-Elle a son permis moto, elle adore la bière et les jeux vidéo.

Bertrand manque de s'étouffer avec son café. Il récupère une serviette en papier, essuie sa moustache et remarque, des étoiles dans les yeux :

-La femme parfaite, en fait.

-Du point de vue d'un homme, sans doute !

-Et pas du tiens ?

-Je ne la connais pas assez...

-Tu ne la connais pas assez, mais elle te plaît déjà...

-Je... Non, bien sûr que non. Je ne sais pas...

Je me lève, récupère mon sac.

-Tu vas où ? Me demande Bertrand.

-Je rentres. Je n'ai pas fini mon devoir sur Balzac.

-Tu sais, si tu aimes aussi les filles, je ne te jugerais pas...

C'est à mon tour de lever les yeux au ciel, tandis que je récupère mon manteau sur le fauteuil à ma droite, et commence à l'enfiler :

-Encore heureux. Mais ça n'a rien à voir avec ça. Je suis avec Antoine. J'aime Antoine.

Bertrand lève les mains en l'air, pour signaler qu'il capitule. 

-Bon, bon... Dit-il avant d'attraper sa tasse, et terminer son café d'une longue gorgée.

-À demain.

-À demain...

Je quitte le café et me dirige vers le métro. Si je ne traîne pas trop, je devrais réussir à avoir le train de 19h.

Le temps s'est encore rafraîchit. Je souffle dans mes mains, et je ferme mon manteau. Tout en marchant rapidement pour me réchauffer, je pense à ce que m'a dit Bertrand. Il se fait des idées. Oui, j'aime bien Anna... On s'entends bien. C'est vrai que c'est inattendu, si vite. Mais de là à dire qu'elle me plaît...

À quoi cela m'avancerait, de toute façon ? Je suis avec Antoine. Je ne suis même pas sûre qu'elle aime les filles... Et moi non plus, d'ailleurs. Comment en être sûre ? Je n'ai embrassé que des garçons dans ma vie, et je n'ai eu qu'Antoine. Cela a toujours été suffisant. Il n'y a aucune raison que cela change.