Révélations

305 16 15
                                    


Les jours qui suivent sont insupportables. Anna ne me parle plus, je ne la vois plus dans le train, et ne reçois plus un seul message. Elle ne me donne aucun signe de vie. Et, évidemment, Antoine m'évite aussi, il a besoin de réfléchir. Cette double absence me pèse terriblement, me laisse seule avec mes pensées et mes regrets. À les vouloir tous les deux, je les ais probablement perdus tous les deux. 

Le vide est constant. Chaque matin, je me lève et espère voir un message d'Anna, car nous devrions aussi nous expliquer, mais rien ne vient. Et je n'ose pas faire le premier pas. J'espère aussi une tentative de conversation de la part d'Antoine, mais mon téléphone reste silencieux. Mes trajets en train, habituellement égayés par les discussions avec Anna, sont maintenant marqués par une solitude écrasante. Chaque siège vide à côté de moi semble accentuer l'absence de son rire, de sa présence.

À la fac, c'est encore pire. Il m'est impossible de suivre en cours, mon esprit dérive constamment vers ce que j'ai perdu. Les chapitres sur le romantisme et Victor Hugo seront bientôt fini, et mes cahiers sont vides. Les examens approchent à grands pas, mais je ne parviens pas à me concentrer. Chaque page de notes me semble inutile, chaque lecture, futile. 

Julie et Bertrand, mes confidents habituels, sentent que quelque chose ne va pas. Mais je m'empêche de leur parler. Je ne veux pas partager ce fardeau avec eux tant qu'Antoine n'a pas pris de décision. Ça le concerne aussi, et je ne peux pas en parler sans son accord. Alors je garde tout pour moi, cache mes tourments derrière des sourires forcés et des réponses évasives.

— Claire, tu sembles vraiment distraite ces jours-ci, me dit Julie un après-midi.

— Oui, juste un peu de stress à cause des exams, ne t'inquiètes pas.

Bertrand me regarde avec suspicion, mais ne dit rien. Il sait qu'il y a plus que le stress des examens, mais il respecte mon silence. Il devine sûrement que cela concerne Anna, et que je finirais bien par parler. 

La culpabilité me ronge. Je pense sans cesse à ce que j'ai fait, à ce baiser avec Anna. Un moment d'impulsion, un instant où j'ai suivi mon cœur plutôt que ma raison, et maintenant je paie le prix de cette décision. Je m'en veux de ne pas avoir réfléchi aux conséquences, de ne pas avoir prévu la douleur que cela causerait à Antoine. Et à Anna.

Chaque jour est une bataille. Une lutte contre l'envie de tout raconter, de chercher du soutien, de trouver une oreille compréhensive. Mais je me retiens, je dois attendre qu'Antoine prenne sa décision. Le silence d'Anna me hante, me fait douter de ses sentiments, de mes propres actions. Je me demande si elle regrette ce baiser autant que moi, si elle pense à moi comme je pense à elle. Si elle en a parlé à Agathe.

Tous les soirs, je m'effondre sur mon lit, et je laisse les larmes couler silencieusement sur mes joues. La solitude est écrasante, le poids de mes erreurs insupportable. Je repense à ces moments de complicité avec Anna, à mes années de couple avec Antoine. Et maintenant, tout cela semble si lointain, comme des rêves brisés. Les nuits sont longues et sans sommeil. Je tourne et me retourne, incapable de trouver le repos. Mon esprit est une tempête de regrets et de peurs, et je ne peux échapper à mes propres pensées.

Un soir, alors que je suis en train d'essayer de me plonger dans mes notes, mon téléphone vibre. Je frôle la crise cardiaque : c'est un message d'Anna.

Anna : Claire, on doit parler. Retrouve-moi demain à 18h devant mon école, s'il te plaît

Mon cœur bat la chamade. J'acquiesce à son message et passe la nuit à imaginer toutes les conversations possibles. Le lendemain, après mes cours, je me dirige jusqu'au portail de son école avec la boule au ventre.

Anna est déjà là, debout devant. J'avais presque oublié à quel point je la trouve belle. Elle lève les yeux et me sourit timidement lorsqu'elle m'aperçoit. 

— Salut, Anna.

— Salut, Claire. Merci d'être venue. Je pensais qu'on pourrait aller discuter autour d'un café. Ou d'un thé, si tu n'es pas trop café...

— Je te suis.

Nous nous dirigeons vers un café non loin de celui dans lequel je me rends quotidiennement avec Bertrand. Mais celui-ci est plus grand, et plus fréquenté. Nous nous installons à une table un peu à l'écart, dans un coin tranquille. Je m'assieds en face d'elle, mon cœur battant à tout rompre.

Le lourd silence persiste. Je prends une grande inspiration et décide de briser la glace.

— Anna, je suis tellement désolée pour ce qui s'est passé. Je n'aurais jamais dû t'embrasser comme ça. C'était une erreur et...

— Non, m'interrompt-elle. Ce n'était pas une erreur... Enfin, pas pour moi. J'ai beaucoup réfléchi depuis ce jour-là...

Je la regarde, surprise. Anna détourne les yeux un instant avant de reprendre.

— Tu me plais vraiment... J'ai essayé de l'ignorer, de le refouler, de faire comme si je rigolais et que rien n'était sérieux, mais c'est la vérité. Ma relation avec Agathe...  Ne va pas bien depuis un petit moment. Ce baiser, il a tout changé. Je sais que notre relation ne se relèvera pas de ça. Et je veux être avec toi, Claire.

Ses mots résonnent en moi, mélange de bonheur et de terreur. Le café est si bruyant que pendant un instant, je me persuade que j'ai sûrement mal entendu. Puis, je dis :

— Anna, je... je ne sais pas quoi dire. J'aime Antoine. Je ne peux pas le quitter. Je ne veux pas le quitter.

Un voile de tristesse passe dans les yeux d'Anna. Elle hoche la tête doucement, résignée.

— C'est toi qui décides, Claire. Est-ce qu'au moins, nous pouvons continuer d'être amies ?

— Je ne sais pas... Je ne crois pas que j'en serais capable. Et je ne sais pas si Antoine le souhaiterait...

Anna hoche la tête.

Puis, elle se lève, et je sens la panique monter en moi.

— Anna, attends...

— Non, je comprends, je t'assure. Je ne peux pas te demander de le quitter si tu l'aimes, et s'il te rend heureuse. Seulement, si je dois sortir de ta vie, il faut que je le fasse maintenant. Je ne crois pas que j'en serais capable demain.

— Je...

Mais elle ne m'écoute pas. Elle s'éloigne, me laisse seule à la table du café. Les larmes montent et je ne les retiens plus. Je pleure, submergée par la confusion et la douleur, entourée d'inconnus tellement absorbés par leurs conversations ou leurs téléphones portable que je passe totalement inaperçue.

Après ce qui me semble être une éternité, je me lève à mon tour et quitte le café. Mes pas me mènent mécaniquement jusqu'au métro, puis la gare, et enfin ma chambre chez mes parents, où je m'effondre sur mon lit. Je suis tiraillée entre mes sentiments pour Anna et mon amour pour Antoine.

La nuit est longue et agitée. Les pensées tourbillonnent dans ma tête sans répit. J'essaie de trouver une solution, une réponse, mais rien ne semble clair. Mon cœur est partagé, et je ne sais plus quoi faire. Je n'ai même pas pu dire à Anna que ce qu'elle ressent est réciproque.

Tout ce que je veux te dire [wlw][TERMINÉE]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant