Le pari

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Le Lundi suivant, Alain ruminait toujours sa rancoeur contre Juan. Sa prise de conscience sur le fait que sa copine soit passée par ses bras, lui avait gâté sa soirée du Samedi et l'avait conduit à s'engueuler avec elle, avant le dessert. En entrant dans les bureaux le lundi,  il croisa le regard de Sylvie, qui semblait toujours furibonde et lui reprochait visiblement encore son attitude du samedi. Lui tout penaud, se para de son air de chien battu, voulant calmer le jeu, mais quand Juan apparut, l'ambiance morose du Lundi matin changea et  le visage de toutes les filles de l'étage s'égaya, y compris celui de Sylvie qui se mit à minauder aux flatteries de Juan. Cette injustice, eut pour effet de raviver la colère d'Alain, qui alla se cacher dans les WC et se passa de l'eau sur le visage pour se calmer. Tout le dimanche, seul chez lui, il avait eu le temps de penser à son attitude et à la position de Sylvie. La pauvre n'y était pour rien. D'ailleurs son aventure avec Juan était antérieure à sa propre arrivée dans l'entreprise. Bien sur, Sylvie était libre de voir qui elle voulait, d'autant plus qu'ils ne s'étaient rien promis. Alors pourquoi cette aventure le gênait autant? Lui-même avait connu d'autres femmes, y compris depuis son arrivée dans la boite. Oui, en fait ce qui lui faisait peur, était "l'inexorabilité" du pouvoir de Juan sur les femmes et son absence totale de scrupules. Ce dont il avait le plus peur, c'était de s'engager auprès de Sylvie et qu'ensuite elle le trahisse avec Juan. Ce qui était certain, c'est que Sylvie plaisait à Alain plus qu'aucune femme jusqu'ici. Instinctivement, il savait que rien ne pourrait jamais l'assurer qu'aucune femme lui reste fidèle. Qu'il y aurait toujours "un Juan" dans l'équation. Qu'il ne devait pas se laisser pourrir la vie par ses peurs. Il savait maintenant qu'il avait envie de prendre le risque d'aimer Sylvie. Il décida de s'excuser et de s'ouvrir à elle du pourquoi il avait été un sale con. Maintenant, il se souriait dans la glace. L'espoir d'être heureux renaissait en lui, mais sa rancoeur contre Juan n'avait pas totalement disparu. Il méritait sans doute une petite leçon. 

Soudain la porte des WC s'ouvrit sur une silhouette informe. Alain, croisa subrepticement le regard paniqué d'Anne, qui s'enfuit, préférant retourner vers son bureau, oubliant les tensions dans sa vessie. En la voyant, il eut un petit rictus de malice, rapidement teinté de pitié. Car aujourd'hui, plus que jamais, Il avait envie que, comme lui, le monde entier soit heureux et connaisse l'amour. D'ailleurs, cette pauvre fille, avait-elle jamais connu l'amour? Il ne parlait pas de coeur, il voulait dire, l'amour physique. L'association de deux corps, se rapprochant pour s'offrir un plaisir mutuel. Pas question ici d'amour ou de reproduction, mais juste de plaisir reçu, et de plaisir donné.

Cette intrusion et sa réflexion qui suivit, mirent soudain en évidence, une solution possible à deux problèmes. Comme la plupart des hommes, Alain avait tendance à penser que tous les problèmes pouvaient trouver leur solution dans un lit. Ainsi, il imagina que Anne, pourrait avoir une révélation en passant dans le lit de Juan, et qu'elle puisse devenir une femme "normale" à la suite de son expérience. 

En y réfléchissant bien, Juan de son coté, pourrait bien essuyer son premier échec, en se cassant les dents, sur la timidité maladive de Anne. Et même s'il réussissait à vaincre ses défenses, il serait amusant de le voir se démener à tenter de la séduire. Et ensuite, s'il finissait par arriver à ses fins, il serait amusant de l'imaginer en train de "consommer" la-dite oie blanche, lui qui était tant habitué aux femmes soignées, pomponnées, au physique parfait. Alain se projetait même déjà sur l'après. Il envisagea tous les cas de figure. S'il échouait, Alain et les autres ne cesseraient de le lui rappeler, juste pour le rabaisser et ainsi se rassurer eux-même. Et si il réussissait, ils pourraient toujours l'attaquer sur son peu de fierté personnelle, et si par bonheur la relation se finissait par un drame, ce qui au regard de la personnalité de la jeune femme, était à prévoir, la sympathie du reste du personnel pour Anne, risquait fort bien, de se cristalliser contre lui. Alain jubilait de son machiavélisme, il fit taire en lui sa conscience, qui tirait la sonnette d'alarme, pour le risque qu'il faisait prendre à Anne, déjà si fragile, mais il choisit, encore une fois, de penser, qu'un bon coup de rein, aurais plus de bénéfice sur elle, que de passer sa vie en dehors du monde. Il ne lui restait plus qu'a convaincre Juan d'accepter le pari. Alain retourna à son bureau, mais il n'arrivait pas à se concentrer sur sa tache. La totalité de son attention était occupée par Sylvie et surtout sur l'élaboration de sa machination contre Juan. Vers dix heure, il vit Sylvie se diriger vers la machine à café. Il lui emboita le pas. Il s'assura qu'ils étaient seuls, avant de lui adresser la parole.

Donjuan contre peau d'AnneOù les histoires vivent. Découvrez maintenant