Anne et le loup.

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Anne passa son dimanche après-midi à ruminer sa colère, contre la providence. Toute sa vie elle avait attendu qu'un prince charmant vienne l'enlever sur son destrier blanc. Mais de tous les hommes, elle avait choisi Juan, pour lui voler son coeur. Son coeur justement lui criait qu'il l'aimait sincèrement, tandis que sa raison, lui donnait autant d'objections, qu'il y avait de femmes dans l'entreprise, pour ne pas y croire. 

Anne décida de s'abrutir en faisant son ménage. Elle écoutait de la musique dans son casque tout en passant l'aspirateur, mais rien n'y fit. Le soir elle prit un bon bain chaud, mais là encore, son esprit en ébullition l'empêchait de se relaxer. 

Elle eut du mal à trouver le sommeil et ses rêves furent peuplés de scènes érotiques, suivies de scènes de violente rupture. Au matin, Anne réveillée depuis longtemps, n'attendit pas que son réveil sonne. Elle se leva et prit son petit déjeuner. Rien n'était clair et son esprit embrumé était toujours au bord de l'explosion. En se préparant devant sa glace, elle regarda le visage de la"Anne du bureau" et ce qu'elle vit, la dégouta. Les mains tremblantes, elle reprit sa brosse pour ramener ses cheveux en arrière, qu'elle attacha avec un élastique. Puis, avec le petit pinceau, elle domestiqua ses cils et ajouta un peu de fond de teint. Pour ses vêtements, elle n'avait plus le temps de se changer et de toute façon elle préférait procéder par étape. Quand elle quitta son appartement, Anne avait le coeur qui faisait des bonds dans sa poitrine, mais elle résista à l'envie d'arracher son élastique. Dans le bus, elle se sentait observée, mais au lieu des visages fermés, qu'elle côtoyait depuis des années, elle eut droit à de jolis sourires qui lui donnèrent confiance en elle et son coeur se calma. 

Arrivée à l'étage de son bureau, elle croisa les regards de ses collègues qui froncèrent leurs sourcils sur son passage, se demandant une seconde ce qui avait changé. Mais personne ne lui adressa la parole et rapidement, ils cessèrent de se préoccuper d'elle. Quand Juan arriva à son tour, il la chercha du regard. Quand il vit son visage dégagé et légèrement maquillé, un grand sourire naquit sur sa bouche et d'un signe discret, il lui fit le signe du "tout va bien" à la façon des plongeurs. Tout le monde discutait de son week-end, par petits groupes, tout en prenant connaissance de la charge de travail qui les attendait pour cette semaine. Puis les groupes se séparèrent et l'open-space retrouva son calme. Comme à son habitude, Juan allait et venait dans tout l'espace de travail. Et ce matin là, chaque fois qu'il passait devant le bureau d'Anne, il y déposait un petit papier, qu'elle s'empressait de faire disparaitre et qu'elle lisait en douce.

-"ça te va si bien"; "tu es si belle"; "j'ai envie de t'embrasser"; "je t'aime". 

Anne rougissait après chaque lecture. Mais personne ne capta leur petit manège. Le midi, Juan alla manger avec sa cours habituelle et Anne s'enferma dans sa réserve. Vers seize heure, elle était aux toilettes quand les voix de Pedro et d'Alain résonnèrent dans le petit espace des urinoirs.

-Alors comment ça va avec Sylvie?

-Tout roule. 

-Tu ne trouves pas que Juan est bizarre en ce moment?

-Il n'a toujours pas digéré d'avoir perdu mon pari, sans doute.

-Non, il y a autre chose. Depuis quinze jours il voit quelqu'un. Mais il n'en parle pas. Enfin si, mais juste le "tout va bien", je suis heureux.

-Il est peut-être malade. Ou il est préoccupé.

-C'est pas le boulot, en tout cas. 

-Il a peut-être choppé une "bébête" avec une de ses copines et il n'ose en parler à personne parce qu'il a honte. T'as mangé avec lui à midi, tu ne lui as pas posé la question?

-Il m'a juste dit, que je ne la connaissais pas. Et qu'e c'était la bonne cette fois.

-Juan? Notre Juan casé? C'est impossible. S'il n'en parle pas c'est qu'elle doit être mariée et son mari est boxeur.

Donjuan contre peau d'AnneOù les histoires vivent. Découvrez maintenant