Le dîner

5 0 0
                                    

Le Mardi matin Juan, encore une fois, ne fit aucune allusion à la veille et fit comme si de rien était. Le midi ses collègues eurent beau le harceler de questions, sur où il en était avec Peau-d'Anne, il resta évasif avec un "ça suit son cours". Pour la première fois de sa vie, il avait un doute. Non pas sur ses capacités, mais sur le bien fondé de sa démarche avec Anne. Au final il commençait à avoir du respect pour elle. Non pas qu'il ne respectait pas les autres femmes, au contraire, mais parce que celle-là l'avait touché. Sa fragilité, sa beauté aussi, et surtout sa force intérieur. Elle ne demandait pas à être sauvée de la morosité de sa vie, elle avait atteint son équilibre et était heureuse comme ça. Juan était en train de tout bousculer, en avait-il le droit?

En y réfléchissant bien, il n'avait nullement l'intention de lui faire du mal. Le pari n'était plus d'actualité, maintenant. Il espérait sincèrement être son ami. En tout cas, c'est ce qu'il lui répéterai, ce soir au diner. 

Vers dix-huit heure, il avait quitté le bureau en voiture. Il s'était arrêté chez le traiteur, en bas de la rue, pour choisir un repas convenable pour deux. Puis il était rentré et avait pris une longue douche bouillante. Il avait choisi une tenue décontractée et avait fait un peu de rangement avant de mettre le couvert. Il regarda sa montre, il était encore assez tôt. Alors, pour se détendre il mit un disque de Jazz en fond sonore et se servit un doigt de Whisky. 

A vingt heure juste, on sonna à l'interphone.

-Oui?

-C'est Anne.

-Montez, c'est au deuxième. 

Il l'attendit sur le pallier.  Sans parler et sans hésitation, elle le précéda dans l'appartement. 

-Je vais prendre votre veste.

Elle ôta son manteau et lui tendit son sac, qu'il posa sur le dossier d'une chaise. Elle portait la même tenue qu'au travail, mais sentait le savon, et son parfum délicat embaumait l'air dans son sillage. Il l'invita à le suivre au salon et à s'assoir.

-Vous prenez quelque chose? 

-Comme vous.

-C'est du Whisky.

Mais elle ne répondit pas, Elle regardait autour d'elle, comme pour se faire une idée de l'identité de la personne qui vivait là. Juan posa son verre, devant elle, sur la table basse. 

-Je n'était pas certain que vous viendriez.

-Moi non plus. 

-Je ne savais pas que vous faisiez autant de sport.

-Vraiment? Pourtant vous me suivez depuis quinze jours.

Juan ne put s'empêcher de sourire; 

-En revanche, je ne sais pas où vous allez le vendredi soir.

-Ça dépend, je change tout le temps. La dernière fois c'était "la cote d'Opale".

-Ce week-end vous n'êtes pas partie.

-Non.

Comme l'autre soir il se dit que ce serait à lui de faire la conversation. 

-Alors vous partez souvent en week-end?

-Une semaine sur deux ou trois. Là aussi ça dépend.

-Ça dépend de quoi?

Elle le regarda en se demandant si il méritait une réponse.

-De mes envies, de mes opportunités, de mes finances et surtout de si je suis suivie.....

Comprenant qu'elle avait, sans doute annulé son week-end de peur qu'il la suive, Juan prit un air contrit.

Donjuan contre peau d'AnneOù les histoires vivent. Découvrez maintenant