Les Highlands, Tome 1: La Rebelle Campbell.

Le Prologue

              Neassa était désormais encerclée par une bande d'Highlanders. Une dague à la main, elle tournait sur elle-même, et bougeait son arme de façon à les faire reculer. Les sourires qu'ils arboraient ne lui prédisaient rien de bon. Apparemment ils ne voulaient pas la blesser car sinon on lui aurait déjà botté le derrière et traîné dans la boue.

« Tu es une Campbell, n'est-ce pas ? demandait l'un d'eux, qui venait de descendre de son cheval.»

La jeune femme ne répondit pas. Étaient-ils alliés ou ennemis ? Aucun ne portait le kilt de leur clan qui devait différencier leur armoiries des siennes. Elle pourrait se concentrer sur les pommeaux des épées cependant, avec l'obscurité, elle n'y arriverait sans doute pas. L'homme s'avança vers elle, levant les mains en l'air pour montrer qu'il ne lui ferait pas de mal, et elle resta sur place.

« Es-tu Neassa Campbell, fille du laird de ce clan ? lui demanda-t-il une fois de plus.»

Ainsi, ils la réclamaient. Heureusement, ils ne connaissaient pas son visage pour en conclure que c'était bel et bien elle. Pourquoi la cherchaient-ils ? À quoi leur serviraient-ils de la kidnapper ? Voulaient-ils faire d'elle un otage ? Impossible, les hommes de son clan avaient pratiquement tous été décimés durant cette guerre, et même leurs alliés n'étaient pas venu en renfort, alors cela ne servirait à rien de leur demander une rançon pour la dernière des Campbell. Un clan qui ne valait plus rien depuis que son oncle avait dilapidé leur fortune.

« Je suis une Campbell. À quel clan appartenez-vous ? osa-t-elle se renseigner.

--Nous sommes du clan des MacCullen, lui répondit-il avant de se répéter: seriez-vous Neassa Campbell ? »

Neassa serra sa dague dans sa main droite qui tremblait. Elle était enragée, et non pas effrayée. Seulement, elle savait ce qui allait l'attendre si elle avouait être celle qu'ils cherchaient. Violée ou tuée, les deux à son avis. Cela lui déplaisait et en aucun cas elle se laisserait faire.

Le laird MacCullen montrerait sa puissance ainsi, comme les autres chefs écossais. À moins qu'ils ne la laissent vivre pour qu'elle soit sa maîtresse ? Dans le meilleur des cas, ils ne la laisseraient vivre que pour apaiser la frayeur des Campbell. Et alors ils lui demanderaient de prêter allégeance à celui-ci qui contrôlait le clan. Non, il en était hors de question. Son père lui avait appris qu'en tant que fille de laird, qu'en tant que femme du clan Campbell, et surtout qu'en tant qu'Écossaise, il ne fallait jamais qu'elle se soumette à un homme. Et sa mère ne l'avait pas été : à la fois douce et rebelle, Adrianna ne s'était jamais pliée aux règles et avait montré à son mari qu'elle n'était pas l'une de ces pouliches anglaises. La haine qui régnait entre l'Écosse et l'Angleterre était ancrée dans les esprits, et demeurait féroce. L'une haïssait les usages de la société adverse, qu'il trouvait étriqués, tandis que l'autre le traitait de « pays de barbares », considérant ses habitants comme des brutes sans cervelle.

La jeune femme déglutit et rangea son arme dans la poche de sa cape, qu'elle resserra autour d'elle avant de serrer les poings et de faire une courte révérence.

« Je suis Ada, sa dame de compagnie. »

L'homme s'arrêta net devant elle et plissa les yeux. Il la détailla du regard, essayant de découvrir ce qui se cachait derrière le visage pâle qui lui faisait face. Elle, une dame de compagnie ? Il fallait être aveugle pour y croire. Dans tout le pays, on entendait parler du joyau de l'Écosse : Neassa Campbell, beauté flagrante jusqu'à ce jour insoumise. À travers les lueurs de la lune, il pouvait bien distinguer les yeux bleus et les mèches noirs-auburn qui dépassaient de la capuche.

« Et où est ta maîtresse, ...Ada ? l'interrogea-t-il en tournant autour d'elle, tel un vautour débusquant sa proie avant d'abattre ses griffes.

--Elle s'est enfuie.

--Comment ?

--À cheval.

--Vraiment ?

Neassa hésita à continuer ce jeu de questions-réponses, sentant les doutes de son interlocuteur par la rapidité de ses répliques.

--Avant que le château ne soit pris, elle s'est enfuie à cheval en longeant le loch.

--Alors elle est partie vers le sud-ouest... Mais pourquoi êtes-vous à l'est dans ce cas-là ? Vous ne l'accompagniez pas ?

--Je... »

Neassa ne savait pas ce qu'elle devait répondre. Lui dire qu'elle devait transmettre un message de sa part reviendrait à une fouille infructueuse. Lui dire qu'elle avait fui, c'était lui dire qu'elle était une traîtresse à son clan et elle ne désirait pas lui donner une insulte pour alimenter le mot « Campbell ». Au moment où il se tint devant elle pour relever son menton afin de la regarder aisément dans les yeux, elle abattit sa lame entre ses côtes et le bouscula brusquement, avant de courir vers son cheval. Elle avait entendu un grognement suivi d'un juron tandis qu'elle l'avait repoussé. Mais ceci ne l'arrêta pas. Elle sauta sur le cheval et abandonna sa dague qui tomba sur le sol pour se mettre au galop.

Ses assaillants se remirent immédiatement à cheval et ce fut une course poursuite incessante jusqu'au petit matin. L'homme, à qui elle avait volé le cheval, en avait pris un autre et était sur ses talons depuis une bonne demi-heure. Neassa était tellement occupée à essayer de le semer qu'elle ne faisait attention à rien d'autre, et elle ne savait pas qu'elle se dirigeait vers une falaise. Lorsque son cheval se cabra, elle tourna la tête devant elle, apercevant sa fin... « Ce n'est pas ma fin, ... pas encore. » ; se dit-elle pour se rassurer. Alors qu'elle remettait son cheval dans le bon sens, elle serra les dents et dut s'immobiliser. Son poursuivant aux cheveux de jais était descendu de cheval pour s'avancer vers elle avec un visage féroce. Il n'en avait cure de sa blessure, qu'il disait sans importance car elle n'était pas assez profonde à ses yeux.

Ce n'était qu'une égratignure de plus se mélangeant à tant d'autres.

« Descendez. Vous ne pouvez plus fuir lass. Écoutez ce que je vous dis tant que je suis calme, lui conseilla-t-il alors que ses nerfs étaient à vifs.

Neassa ne le voulait pas, mais elle n'avait plus le choix. C'était soit elle le rejoignait docilement, soit il la prenait de force pour l'emmener. Elle glissa sur le sol après maintes réflexions et recula à chaque pas qu'il faisait vers elle.

--N'ayez aucune peur, je ne vous ferais pas de mal.

--Contrairement à moi. Soyez sur vos gardes : je ne vous faciliterai pas la tâche, rétorqua-t-elle, fronçant les sourcils.»

Son poursuivant en rit un peu avant de franchir rapidement la distance qui les séparait encore. La jeune femme s'arrêta lorsqu'elle sentit qu'elle était au bord de la falaise. Encore un peu et sa vie se terminait par un crâne ouvert et des os brisés. Il l'attrapa, l'éloignant du danger, et elle se résigna à le suivre. Elle n'était pas aussi sotte pour se débattre au bord d'une falaise.

« Pourtant, vous me la facilitez.

--Croyez-moi, vous avez peut-être remporté cette bataille mais je n'ai pas encore dit mon dernier mot. La guerre n'est pas encore terminée, elle vient tout juste de commencer. »

Lass*==> Fillette, dame, femme.