Chapitre 48

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Stiles n'arrivait pas à s'arrêter de penser. S'il n'aspirait qu'au néant pour soulager momentanément cette douleur psychique qui le tuait de l'intérieur, son cerveau s'avérait fort actif – pour son plus grand malheur d'ailleurs. Isaac était parti se coucher depuis déjà une bonne heure... Après avoir abandonné sa tentative d'expression. Il avait écrit, effacé, écrit, effacé. Le tout, avec de grandes difficultés. Peu satisfait par ces essais passablement infructueux, il avait jeté l'éponge et fait comprendre son désespoir à Stiles... Qui avait calfeutré ses propres émotions à l'intérieur de lui au mieux. Il lui avait conseillé de retourner dormir en lui disant toutefois qu'il pouvait revenir le voir s'il en avait besoin. Et ça, c'était stupide pour Stiles, parce que... Parce qu'il ne devrait pas l'encourager. Comment traiterait-on Isaac si l'on savait qu'il avait désiré échanger avec lui ? On avait eu beau essayer de lui faire comprendre qu'on ne le considérait plus comme un traître, Stiles refusait d'y croire. On n'arriverait pas à le persuader de ce fait, tout simplement parce qu'il était trop briser pour ne serait-ce qu'envisager les choses sous un angle positif.

Il s'interdisait l'espoir pour éviter une accélération de sa chute.

Le silence morbide de la chambre fut troublé par un gargouillis timide. Le ventre de Stiles réclamait de quoi se sustenter. Lui, il n'avait pas faim. Le jeune homme ne descendrait pas chercher quoi que ce soit. Son but, c'était de se faire tout petit pour qu'on l'oublie un peu, de sorte à ce qu'il puisse trouver une solution à ce trop-plein d'émotions qu'il contenait difficilement, au chaos qui régnait dans sa tête. C'était tel qu'il en vint à se maudire de ne pas pouvoir remettre sa Dissonance en place. Il savait ne pas en avoir l'énergie. Physiquement, ça allait. C'était psychiquement que ça coinçait. Tout était trop frais, à tel point qu'il se demanda comment il avait réussi, lors de sa reconnexion au Psinet et la réponse lui vint presque aussitôt. A ce moment-là, la création de cette cage émotionnelle était de l'ordre de la survie. Sans elle, il n'aurait jamais pu remettre sa tête en ordre, hiérarchiser ses souvenirs et savoirs en tous genres. L'on pouvait parler de nécessité de mettre cette espèce de pilote automatique en place, car c'était bien de cela qu'il s'agissait. Un moyen d'agir, de mettre tout le reste en sourdine.

Et le problème, c'est que l'âme de Stiles était actuellement... En train de recharger ses batteries car la Dissonance, si elle avait ses avantages, n'était pas dépourvue d'inconvénients. Inconvénients qui prenaient une importance toute particulière dans la mesure où Stiles était un Cardinal E. Un Empathe de haut rang. Effacer ses émotions, c'était détruire son identité de l'intérieur. Voilà pourquoi il ne pouvait remettre son conditionnement en place aussi facilement.

Alors finalement, et malgré son empathie qui lui rappelait désormais presque sans arrêt le désespoir douloureux qui minait Isaac, Stiles se sentit presque reconnaissant du fait qu'il n'ait pas réussi à s'exprimer, parce que... Rien ne lui disait qu'il aurait pu supporter ses mots. L'aider, il le voulait, simplement... Il avait peur. De lui, de tout le monde. De ses propres pouvoirs qu'il savait continuer de grandir au fond de lui. Si tout était encore sous contrôle pour l'instant, viendrait un moment où il lui faudrait aller se purger – pour se vider, non pour faire une nouvelle démonstration de force. A cela s'ajoutait un autre problème : la surveillance de la meute.

Stiles faisait confiance à Moira : il avait ses raisons. La principale ? Ce secret qu'elle lui avait confié malgré elle en le sauvant et il était clair qu'elle ne prendrait pas le risque qu'il le dévoile. Ainsi, il avait sa loyauté – bien que particulière, elle existait. Ce qui le dérangeait, c'était sa puissance. Moira savait fort bien se débrouiller et pouvait donner un côté létal à ses propres capacités. Simplement, elle n'était pas une X. Et Stiles savait que sa puissance dépassait l'entendement... Suffisamment pour en imposer et protéger efficacement ceux pour qui son cœur s'efforçait de battre un peu plus longtemps. Il saignait de long en large, avait souvent si peu d'énergie qu'il n'était pas très régulier, manquait quelques battements... Mais il fonctionnait – comme lui.

Stiles se recroquevilla sur lui-même, incapable de fermer l'œil. Il était pris de sentiments multiples, se sentait tiraillé de parts en parts entre ce qu'il pouvait et devait faire. Il était le seul à pouvoir prendre quelque décision que ce soit, sans personne pour le conseiller.

Sans son père qui, il en était certain, aurait déjà trouvé une solution pour palier son incapacité à remettre sa Dissonance en place.

Stiles retint comme il le put un sanglot brutal et décréta que ne serait-ce que penser à lui était désormais prohibé s'il voulait garder un semblant de santé mentale.

xxx

Il était dix heures et tout le monde s'occupait. Une partie de la meute travaillait à rendre certains coins du manoir un peu plus chaleureux tandis que l'autre essayait de, simplement... Faire quelque chose. Lydia se perdait devant l'écran de la télévision qui diffusait un programme sans intérêt, Isaac jouait avec le solitaire en bois qui se trouvait sur la table... D'ailleurs, il faisait de très bons scores. Derek le surveillait étroitement et ne pouvait que se sentir soulagé du fait de le voir... Ne pas rester là à regarder le vide. Quoique l'odeur qui émanait de lui l'inquiétait quelque peu, mais qui... Restait tout à fait explicable.

Il le sentait frustré, un peu en colère. Triste, aussi. Et si Derek avait en stock de multiples interprétations, aucune d'entre elles n'était la bonne.

Car Isaac s'en voulait simplement de n'avoir pas réussi à s'exprimer, à dire à Stiles ce qui lui serrait le cœur et qui continuait de lui nouer le ventre. Mais ça, Derek ne pouvait le savoir, d'autant plus qu'il n'avait même pas idée du fait que son presque petit frère était monté voir l'hyperactif cette nuit.

A cet instant, ils partageaient néanmoins quelque chose en commun. Leurs pensées convergeaient vers la même personne : Stiles. Cet humain finalement Psi, cet ami devenu aussi proche qu'étranger, mais pour lequel on nourrissait dans tous les cas de sérieuses inquiétudes.

C'était pire pour Isaac, qui avait perçu, senti sa douleur de près. Il avait presque pu la toucher tant elle était tangible et jamais, ô grand jamais il n'avait eu affaire dans sa vie à quelque chose de semblable. Une souffrance par ailleurs d'autant plus forte qu'elle était finement muselée. Et c'était ce contrôle pas si mal maintenu qui trahissait Stiles. Plus il mettait d'effort dans son entreprise, plus celle-ci se retrouvait visible – elle se craquelait. Et le truc, c'est qu'Isaac, en plus de lui en parler pour essayer de lui faire comprendre qu'il n'était pas seul, commençait à ressentir le besoin d'en discuter avec quelqu'un. Si ce n'est la meute en elle-même, peut-être certains de ses membres. Son regard dériva naturellement vers Derek.

Le seul obstacle à cette confession qui pourrait changer beaucoup de choses aux yeux d'Isaac n'était autre que... Cette parole qu'il n'avait plus l'air d'avoir. Pas qu'il soit muet, le souci... Il ne s'agissait que de cette espèce de blocage qui l'empêchait de sortir le moindre mot – sans doute une séquelle de ce jour affreux où Scott l'avait envoyé à l'abattoir. Quant au fait qu'elle soit définitive ou non, Isaac préférait ne pas s'en soucier pour le moment – il en avait tout, sauf besoin.

Alors, il se faisait tout petit et Derek, trop perturbé par l'absence bruyante de Stiles, finit par se lever pour monter le voir. Dans un sens, il était animé par le même besoin qu'Isaac, à savoir démêler ce qu'il se passait de son côté. Mais lui, il était parfaitement valide et personne ne s'inquiétait pour lui au point de le couver à outrance.

En d'autres termes, il avait le champ libre pour aller voir l'hyperactif sans risquer qu'on l'en empêche.

La Résurgence du PhénixOù les histoires vivent. Découvrez maintenant