15 | Loélia & Rayn

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Loélia Wealer



J'erre dans la pièce. Mes yeux sont encore embués malgré mes tentatives vaines de me rendre plus présentable. Tout est un peu flou, c'est encore trop frais pour moi.

Je ne me sens pas prête à confronter leur regard plein de jugement.

Au bout du compte, j'ai bien saisi une chose : je n'avais pas le choix ; je devais me relever malgré les sévices, car m'apitoyer un peu plus ne me serait pas utile. Il faut que j'avance, il est trop tard pour faire marche arrière.

J'atteins finalement la table où siègent mes soi-disant amis. Ils sont silencieux, seule la musique qui passe continuellement dans le restaurant anime la conversation. Des yeux s'attardent sur moi, je comprends alors que nous ne sommes pas passés inaperçus.

Ce n'est pas étonnant, Evan ne sait pas se faire discret.

Il incarne vraiment tout ce que je déteste.

Je m'assieds lentement et tente de faire apparaitre un air impassible sur mon visage.

— Bon... Qu'est-ce qu'on disait déjà ? s'efforce d'amorcer Lu.

Je croise les bras contre la poitrine et j'essaie de m'y faire à cette pénible idée : tout ça est réel, et il faudra que j'apprenne à vivre avec.

Mon regard se porte alors sur les plats qui attendent sagement sur la table. Ils ont commandé, mais n'ont pas touché leur assiette.

Je prends sur moi, et après avoir répété cette phrase une dizaine de fois, je lance finalement :

— On se croirait à un enterrement... Mangez, ça va refroidir.

Comme si elles n'attendaient que ça, les filles entament leur plat, mais avec précaution. Je ne les regarde qu'elles, ne voulant surtout pas croiser l'infâme visage d'Evan.

Progressivement, la conversation reprend, ils discutent entre eux, parlent principalement de Benjamin, puis s'adonnent à des sujets moins sérieux. De mon côté, je mange silencieusement une assiette de pâte que quelqu'un a pris la peine de commander pour moi.

Une bulle m'enveloppe et le bruit extérieur devient flou. Je n'entends plus qu'une voix qui résonne en moi, celle de mes pensées.

Je suis une meurtrière. Oui, je le suis, et c'est surement par ma faute uniquement, alors pourquoi je ne peux simplement pas oublier...

Benjamin, tu m'as beaucoup pris. Mes larmes, mon corps, mes amis.

Laisse-moi juste tranquille, s'il te plait.

Je veux juste... Être heureuse, même si c'est trop demandé.

Je veux uniquement vivre sans que la vie soit douloureuse. Sans que vivre soit un supplice. Sans devoir constamment me demander ce que je fais sur terre et pourquoi est-ce que je suis encore en vie.

***

Rayn Parker

— Regarde,

Je lui tends mon téléphone qu'il saisit d'un air sérieux avant de murmurer ce qui est inscrit sur le message.

— Tu es le prochain,

Je suis le prochain.

— C'est ce qui est marqué.

Perplexe, il repose mon téléphone sur le bureau.

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