20 | Rayn

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Rayn Parker

Un à un, tous les documents y passent. Je les mets dans ma déchiqueteuse, que j'observe lentement se remplir à travers le petit hublot blanc. Voir les feuilles muter en petit morceau de papier est particulièrement satisfaisant.

De l'autre main, je me ressers un verre de je ne sais quel alcool. J'ai pris la première chose que j'ai trouvée sans même regarder le nom, dans le seul but de m'enivrer.

J'ai toujours apprécié l'alcool, pas spécialement pour son goût qui n'est pas ce que je recherche lorsque je décide de boire, mais plutôt pour ses effets secondaires. Ça m'apporte une certaine légèreté d'esprit, voire une liberté. L'alcool me défait de cette vigilance constante qui fait entièrement partie de moi. Cependant, ses bienfaits sont aussi agréables que mauvais, je dirai même qu'ils sont dangereux. Car, pour une personnalité comme la mienne, ne pas avoir le plein contrôle de soi peut s'avérer autodestructeur, je peux possiblement me nuire.

Mais pourquoi je bois alors malgré les risques ? Je m'interroge alors que je connais déjà la réponse.

Je déteste échouer.

Pourtant, c'est ce qui est en train de se passer. Je n'arrive pas à avancer, et ça m'énerve. C'est la raison pour laquelle je détruis toutes mes recherches. La deuxième est peut-être que je n'ai pas les idées très claires.

J'échoue, je m'emmerde aussi, mais au moins, j'ai tant d'argent que je pourrais remplir une piscine de billet.

Je n'accorde d'intérêt qu'à très peu de chose, mais même si je peux parfois m'en lasser, jamais je ne pourrais m'en passer.

Plus jeune, je n'avais pas un rond, mais je n'étais pas plus heureux qu'aujourd'hui.

L'argent n'achète certainement pas le bonheur, mais il achète un toit. Si vous souhaitez rire entre quatre murs moisis, allez-y, ça sera sans moi. Je préfère pleurer dans mon appartement luxueux.

Ah... C'est pour ça que je déteste boire. Ça fait toujours remonter des choses particulièrement inutiles en moi.

Et sur cette constatation, je finis le fond de mon verre.

Si je ne veux pas me remémorer certains souvenirs, c'est parce que ça me fait chier de les reconnaitre. Je préfère seulement garder ce qu'il y a de glorieux.

Dire que j'ai tué toute ma famille par exemple.

Préciser que je me suis fait abandonner par mes parents, un jour un peu comme celui-ci, pluvieux. Non.

Mon père m'a demandé de descendre de la voiture après m'avoir amené dans un coin perdu, et il n'est jamais revenu me chercher. Pourtant, il a mentionné que je devais l'attendre.

Je devais avoir sept ans, peut-être huit.

Il n'est jamais revenu, certes, mais je l'ai retrouvé dès années plus tard et je l'ai tué. J'ai aussi tué ma mère, car elle n'a pas essayé de l'en empêcher. Mon frère aussi, parce que qu'il était là.

Il n'avait qu'à se faire jeter avec moi s'il souhaitait vivre.

C'était un massacre nocturne qui a fait la une des journaux locaux. Une famille assassinée.

J'ai fait ça quelques jours après mes 18 ans, une fois majeur, quand je n'avais plus mon foyer sur le dos. Ce lieu fait pour protéger les enfants, qui en réalité n'est pas si sûre que ce que l'on entend.

J'ai toujours méprisé ces gens qui essaient à tout prix d'aider. C'est vraiment ridicule, surtout dans ce cas-ci. Concrètement, ils ne font qu'empirer la chose. Je ne suis peut-être pas quelqu'un de bon, ni une personne qualifiée pour donner un avis sur la situation, mais... Qui a eu la merveilleuse idée d'enfermer des gamins tous plus traumatisés les uns que les autres ensemble ?

CURIOSITÉ MALSAINEOù les histoires vivent. Découvrez maintenant