CURIOSITÉ MALSAINE

06 | Rayn

Rayn Parker

Ce plafond est vraiment vide...

Un peu trop vide.

Je le reluque toutes les nuits durant plusieurs heures, il advient qu'il me paraisse encore plus vide qu'il ne l'est déjà.

Par chance, les fantômes de mon passé sont toujours présent pour me tenir compagnie.

Continuellement là pour prohiber toute forme de sommeil. Lorsque je plonge dans un assoupissement trop profond, ils sont ici pour me réveiller ou plutôt m'opprimer. S'acharnant sur mon corps, je sens leur présence au fond de ma cage thoracique, leur essence est si asphyxiante que le sommeil n'a plus rien d'analeptique. Plus que ça, c'est une véritable hantise. Pour couronner le tout, je ne peux pas les voir, c'est leur châtiment. Ils m'observent, se vengent encore et encore chaque nuit, sans que je ne puisse rien faire.

Ils sont ici, je le sais, ils sont là, ils m'examinent en ricanant. C'est leur moment, ils en profitent, et jamais ils ne manquent ce rendez-vous quotidien.

Bande de connard. J'ai bien fait de vous tuer...

Ça doit bien faire une dizaine d'années que je n'ai par dormi plus de quatre heures d'affilée. Chaque mois, chaque semaine, des vies s'éteignent par ma faute. Leur présence étant en hausse, aucune rémission n'est possible. Ça ne fait que s'envenimer un peu plus.

En général, j'ai seulement le droit à deux cycles de deux heures.

C'est ce qui arrive quand on se nourrit de la souffrance des autres.

Je m'alimente principalement de l'âme de mes victimes, leur chagrin, leur mal-être et toute la douleur qu'ils accumulent. Et j'aime vraiment ça, toute rédemption me parait inimaginable.

Outre ces désagréments, je suis épanouie dans ma voie professionnelle alors ce n'est pas si gênant.

Mais d'habitude les torturer, les étrangler, les égorger et les tuer ne me pose pas autant problème.

Pourquoi cette putain de merdeuse est allongée à côté de moi ?

Elle est en parfait état, aucun signe de fatigue ou de captivité... Hormis la cavité qui se situe au milieu de son front. Un filet de sang frais s'écoule en permanence. Telle une fontaine, le liquide pourpre suinte le long de son visage puis se répand sur mes draps afin de les souiller.

C'est presque glauque.

Pour la première fois, une de mes victimes apparaît sous une forme incontestablement tangible. Dans le passé, je n'ai pourtant jamais eu le loisir de contempler leur vieille gueule.

Connasse.

Ce n'était donc pas un mensonge ou une parole lancée dans un élan de rage. Cette merdeuse compte bel et bien me hanter jusqu'à la fin de ma vie.

Comment a-t-elle su ?

Elle ne peut pas l'avoir sorti intentionnellement.

Personne n'est au courant pour mes visiteurs nocturne. Personne.

C'est du pur hasard. Un putain d'hasard bien tombé.

Je vais la tuer.

En cas d'incident noctambule, j'ai pris l'habitude de dissimuler un silencieux sous mon oreiller. Une habitude propice qui m'a préservé de nombreuses tentatives de meurtres dans le passé. Je me lève avec indolence, mon arme dans la main droite, j'ajuste vaguement mon tir. Mon index contre la gâchette, je vise ses deux yeux avant d'appuyer contre la queue de détente. Un bruit faible se fait entendre.