26 - [ADPDN] Rêverie

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Titre: Rêverie
Genre: OS
Contexte: UA Arrête de porter du noir (chapitre 25 du recueil pour plus d'informations !)
Personnages: Shiryū, et le reste vous verrez !

Bonne lecture !

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Les yeux en amande de Shiryū se referment peu à peu, n'offrant à la vue de son voisin de droite qu'une longue cascade sombre comme les ailes d'un corbeau qui s'étale et s'écoule sur la petite table de chêne, et ne proposant à son voisin de gauche qu'un aperçu restreint de ses longs cils fournis bordant ses yeux fermés et ajoutant une petite ombre à ses pommettes marquées. Et pour ce cours de mathématiques du mardi dès huit heures tapantes, lesdits voisins et lui en reparleront plus tard.

À travers le fin écran de ses paupières closes, le grand japonais voyage. Il revoit les splendides panoramas d'une Chine idyllique et mélancolique, et le profil de médaille de Dohko-sensei se découpant dans les lueurs et ombres du crépuscule. Il parvient même à entendre le doux murmure de la cascade qui fait la renommée de ce lieu tant aimé par son professeur d'arts martiaux et par sa fille adoptive. C'est d'ailleurs le rire cristallin de celle-ci qu'il perçoit désormais, joli motif de clarinette dans la symphonie exquise de la nuit naissante.

- Hé bien, Shiryū ! Tu rêves encore ?
- Shunrei...

Son regard tente de se promener de bas en haut pour arpenter cette image parfaite de la jeune chinoise. Comme à son habitude, l'humble demoiselle est vêtue d'un ensemble traditionnel d'un rose amour, orné de dorures en dragons et végétations stylisées. Sa natte noire bat sa poitrine alors qu'elle se penche en avant pour lui tendre sa petite main pâle aux doigts doux et graciles. Mais alors qu'il allait enfin pouvoir revoir son doux visage et sentir la chaleur de son sourire contre sa peau rafraîchie par la bruine du soir, la voix de la jeune femme se désaccorde. Une aura inconnue l'enveloppe et son timbre est grave et rauque, trop rauque, trop vulgaire et sec pour être le sien.

- Shunrei c'est pas la réponse, nan.

Se rendant vite compte de ce qui se passe malgré les brumes du sommeil qui l'envahissent encore, Shiryū se redresse en sursaut et rouvre les yeux. La salle de classe a remplacé le Pic des Cinq Vieillards de Lu Shan, et l'arrière-droit des Knights constate avec dépit que la personne penchée vers lui ne ressemble en rien à la candide asiatique. Au contraire, il a tout d'un occidental, et ses yeux grenat sont fichés dans les siens, sûrement depuis plus longtemps qu'il le pense.

- Alors, Shiryū ? J'attends.

Le professeur pose ses mains à plat sur le bureau de son élève en se penchant davantage vers lui, le contraignant ainsi à prendre une position assise plus adéquate. Un long silence s'installe dans la classe, et même Trémi la langue de vipère ne trouve rien à murmurer à l'oreille d'un Nachi qui végète le menton posé sur sa main et qui de toute façon s'en ficherait.

- Bon, ça commence à bien faire tes conneries. Tu viendras me voir à la fin de l'heure. Jabu, réponds à sa place.

Tandis qu'un timbre plus aiguë que le précédent se substitue à la voix grave pourvue d'un léger accent italien du professeur de mathématiques, Shiryū soupire de dépit et tente désespérément de fuir la situation du regard. Il rencontre alors deux orbes d'un vert tendre et y voit là toute la compassion de Shun, qui lui n'a sûrement pas perdu une miette de cours. Après avoir soupiré à nouveau, Shiryū se résigne à reporter définitivement son attention sur sa feuille déplorablement vierge de toute prise de notes.

La situation ne peut plus durer, Shiryū le sait, et il comprend le désarroi du seul diplômé de la salle qui se retrouve à perdre jour après jour son meilleur élément. Mais il ne sait pas s'il est plus douloureux de se dire qu'il faut effacer tout souvenir de ces étés chinois ou bien d'admettre qu'ils seront désormais la rengaine interminable de son esprit et rien d'autre qu'une illusion de bonheur, petite étoile à la lueur timide dans un univers de solitude et de questions.

Saladier d'orOù les histoires vivent. Découvrez maintenant