Chapitre 2

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Je me trouve devant l'un des plus grands bâtiments, toutes Citadelles confondues.

Il est neuf, bien que le crépi soit gratté à certains endroits. Signe que des morts-vivants sont passés avant nous. Tout ici semble sorti d'une nouvelle réalité, ce n'est pas la nôtre. Un monde qui ne nous appartient pas. La grande muraille laisse échapper quelques bruits étouffés ; des rires, de la musique, des voitures qui klaxonnent.

Des choses auxquelles nous n'avons plus le droit. Le silence est un de nos compagnons d'armes, la musique est une ennemie. Les souvenirs remontent, prêts à exploser, je vois que je ne suis pas la seule. Mes compagnons ne parlent pas, ils regardent le vide. Eux aussi, ça leur manque de vivre correctement.

Dans la citadelle, les gens sont heureux, en bonne santé et ont une bonne hygiène de vie.

Ils vont promener leurs chiens, nous on part à la chasse aux zombies. Ils chantent, on crie de terreur. Ils sourient, on pleure. Cette vie-là nous a été refusée, "d'une part car nous n'avions plus d'argent mais également parce qu'ils ne voulaient pas épuiser leurs ressources pour des gens de la basse société". C'est les derniers mots auxquels nous avons eu le droit, ce jour-là.

Le jour où nous avons été bannis de nos maisons. Je m'en souviens vaguement, mon esprit a préféré occulter certains détails.

J'étais seule avec mon petit frère -nous regardions un film- nos parents n'étaient pas là, comme d'habitude, des soldats ont débarqué armés. Ils nous ont laissé exactement dix minutes pour prendre des affaires. Bien sûr, nous n'avions pas le choix. Ensuite, ils nous ont menés dehors, avec beaucoup d'autres gens autour. Ils appelaient "à l'aide". C'était juste après qu'ils aient lâché les bombes -je ne sais pas de quoi elles étaient faites mais elles n'ont pas beaucoup dégradé la terre-. Et nous nous sommes retrouvés, nous, pauvres, seuls avec des monstres.

On ne s'est pas rencontré de suite, mais nous étions tous, absolument tous, au bord de la muraille. Entassés les uns sur les autres en train de suffoquer. De crier, de supplier de nous laisser entrer. Nous et d'autres gens ; des hommes, des femmes, des enfants, des animaux de compagnies. Cornley n'a pas été épargné non plus, même en tant que scientifique. Je me demande d'ailleurs pourquoi puisque c'est un statut privilégié. On nous a laissé à l'abattoir. Ce fut la première fois où j'ai compris que l'être humain n'était qu'une monstrueuse créature .

Nous nous cachons dans les buissons, sans un bruit. A dix sept heure pile, on recevra un badge jeté du haut de la muraille -par le scientifique Prost-, on devra l'attraper et passer par la grande porte principale avec celui-ci. Ensuite, on se dépêchera de récupérer tous les objets qui nous sont attribués. Le professeur reste caché dans les buissons puisque c'est lui qui dirige tout à distance. Il ne prend pas de risque, il préfère sauver sa peau quitte à nous laisser mourir. On recevra ses commandes -s'il y en a- par talkie-walkie, il espionnera les alentours grâce à un drone dont il ne nous a jamais parlé. Je n'aime pas ça. Si tout le monde avait autant de secret que Cornley on s'entre-tuerait probablement.

Un bruit assourdissant se fait entendre. Ce n'est pas le badge. Nous nous contenons pour ne pas hurler. Un corps. C'est un corps, tué d'une balle en pleine tête et d'une autre dans le cœur. Une petite fille, elle devait avoir huit ans tout au plus. Elle est brune, avec un visage marqué de plaques rouges. Je suis persuadé qu'elle avait autrefois un beau visage angélique. Elle porte une robe rose clair, trop légère pour la saison. Baigné dans son propre sang, son petit corps inanimé, étendu sur le sol terreux me fait de la peine ; moins que l'homme de la forêt. Sa mort à elle a dû être rapide et indolore aussi horrible cela puisse-t-il paraître. Je préfère nettement ça plutôt que de me faire dévorer par des zombies.

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