Je me fraye un chemin parmi les arbres, il fait chaud désormais, leurs branches me frappent mais depuis cet événement là, j'ai l'impression de ne plus rien ressentir. Un peu comme si je retenais mon souffle tout le temps ou que je gardais ma tête sous l'eau, sans pouvoir respirer pour de vrai.
On m'a dit que je me privais de vivre, mais depuis qu'elle n'est plus là je ne peux faire autrement.
Je déambule sur le petit sentier de la forêt, mes muscles sont toujours faibles, je n'ai pas encore retrouvé toute ma force mais je vais beaucoup mieux. Grâce à toi.
Un jour, lorsque Sam, toi et moi regardions les étoiles, vous m'avez dit tous les deux que si je vous perdais je n'aurais plus qu'à contempler les astres lumineux dans le but de vous retrouver, ainsi nous partagerons un moment ensemble peut importe ou l'on se trouve. Je le fais chaque nuit.
Mais j'ai beau chercher, contempler le ciel de toutes les manières possibles, je ne vous retrouve pas. Je ne sens pas votre présence avec moi.
Je sais qu'on ne me dit pas tout, j'ai demandé plus d'informations mais personne ne m'a répondu. Je me sens seul sans vous. Je me rends compte que vous m'avez tout donné.
Je me rends vers la stèle du camp, c'est là-bas que j'ai déposé son corps.
Je m'y rends tous les jours sans manquer une seule date et ça depuis plus de six mois.
J'aperçois Brooke qui tient une garde je suppose. Elle me regarde. Je la regarde. Elle part en direction de la grande tente, je sais qu'elle m'évite. Ça m'est égal. J'ai revu les autres, Prost, Jim, Morgan, Steacy et même Cornley. Ce fou a fini par s'en sortir. Quand je vois que des personnes comme lui arrivent à survivre, je me dis que le monde est vraiment mal fait. Tu méritais de vivre.
Aucun n'est venu me parler, sauf Prost, il m'a annoncé ces condoléances. Je pense que c'est difficile pour nous deux de se reparler après de tels événements, mais j'ai vu qu'il était ému. Il t'aimait bien.
Je m'agenouille devant la pierre. Son nom est gravé dessus, par mes soins. L'écriture est un peu bancale mais je pense que tu aurais apprécié ma gravure. De plus, tu es là où tu as toujours voulu être. Avec ton frère, Sam.
J'entretiens la stèle en arrachant les mauvaises herbes et en enlevant la poussière. J'aime me dire que tu es dans un bel endroit.
- Salut Ashley, et tous les autres. J'agite ma main pour les saluer.
- Je voulais te parler, une dernière fois. Tu vas sûrement me sermonner, je le sais. Mais j'ai besoin de faire ça, pour me donner envie de vivre. Alors, je vais tout te raconter, depuis le début pour la énième fois. Parce que j'ai besoin de te parler longtemps et que ce n'est qu'un prétexte idiot, le seul que j'ai trouvé.
J'inspire. J'expire.
J'angoisse à l'idée de me remémorer tout ce que je sais. Mais je dois le faire, je ne veux rien oublier. Jamais.
- Hélène était sortie pour te retrouver et t'empêcher de faire n'importe quoi. Elle disait que tu étais trop instable mentalement mais je ne suis pas d'accord avec elle. Tu étais seulement blessée, mais tu n'étais pas folle. Loin de là. Elle est revenue tard le soir en me montrant son acquisition.
- C'était le vaccin, elle m'a piqué précipitamment. L'antidote est une torture. J'ai senti tout mon corps se désintégrer. Lorsque le produit à fait effet, je me suis sentie mieux, beaucoup mieux, j'ai mis plusieurs jours à m'en remettre. Elle ne m'a rien dit à propos de toi. J'ai directement su que quelque chose clochait, j'étais encore trop faible pour protester. Dans la soirée, j'ai entendu de nombreuses alarmes retentissaient. Les policiers, les pompiers, les ambulanciers, ils étaient tous de sortie. Je suis sortie avec l'aide d'Hélène et j'ai contemplé le désastre se produire. Les flammes entouraient une bonne partie de la ville. Mais tu étais censé y être. J'ai commencé à paniquer, je voulais venir à ta recherche et te retrouver. J'ai couru mais Hélène m'a retenu et ne m'a pas lâché, je n'ai rien pu faire. Elle me hurlait de ne pas y aller. Et puis...
Je reprends mon souffle, comme à chaque fois que je m'apprête à parler de sa mort. Je resserre ma poigne sur la pierre froide, pour me garder un ancre sur la terre ferme.
- Et puis... Je me suis réveillé. Il y avait une foule monstrueuse. Le feu avait été difficilement maîtrisé. Je me suis précipité vers une dame en uniforme bleu, elle dressait une liste des noms de tous les morts. Je lui ai bien évidemment demandé de me passer la liste. Ce qu'elle a fait. J'ai recherché ton nom, Ashley Kearns, sous le coup de l'émotion c'est le premier qui m'est venu mais je n'ai rien trouvé, ensuite, j'ai cherché Hannah Bopkins cet affreux nom n'y étais pas non plus. Il restait quatre corps non identifiés. J'ai demandé à les voir, et on m'y a conduit. Je t'ai reconnu. J'ai vu ton petit corps et tes vêtements maculés de sang. Les secours l'ont repêché dans la rivière non loin du massacre. Tu avais reçu une balle dans le mollet droit, celui-ci a été brûlé, et un coup de couteau dans l'abdomen. Cette vision m'a terrorisé, je t'avoue que te voir dans cet état était un sacré coup émotionnel. Je me suis énormément demandé, comment tu as fait pour tenir ? Tu es si forte. Je refuse de parler de toi au passé.
- J'ai pris ton corps, Hélène m'a aidé, et nous sommes rentrés chez nous. Dans la forêt. C'était vraiment difficile et je n'en avais pas envie mais il fallait que je t'enterre avec Sam. Notre amie a beaucoup protesté, je ne supporte pas qu'elle me traite comme un enfant et qu'elle réagisse comme ça lorsque j'énonce ton nom. J'ai retrouvé ton revolver dans ses affaires, elle m'a concocté une histoire étrange comme quoi les secours l'avaient retrouvé sur ton corps ou je sais quoi. Mais je sais pertinemment que c'est faux, car ils m'ont dit n'avoir trouvé aucun effet personnel de la victime. Je l'ai pris, bien évidemment. Je n'allais pas jeter ton arme. Je m'en serre dès que l'occasion se présente. Tu es donc tout le temps à mes côtés. J'ai même délaissé "Judy".
- Maintenant, il faut que je t'annonce une grande nouvelle. Je t'entend déjà me dire "Kai arrête tes bêtises". Mais j'ai fait mon choix en connaissance de cause. Je sais que l'incendie n'était pas de toi, je sais aussi que quelqu'un est à l'origine de ta mort et je veux absolument découvrir le coupable. J'ai déjà une petite liste, Hélène y figure mais je ne peux rien affirmer. Pour ça, je vais retourner dans la citadelle sous une nouvelle identité. Mais ne t'inquiètes pas, je vais faire attention et rester sur mes gardes. Je ne serais pas seul, j'ai trouvé de nouveaux gens avec qui tenter mon expérience d'infiltration.
- On va emprunter des nouvelles identités quelque temps, ce sera bien fait. La Citadelle est en reconstruction, c'est une catastrophe... Mais il est ont une beaucoup de chance. Dans quelques semaines elle retrouve son éclat d'antan. Je ne sais donc pas si je pourrais revenir ici un jour, alors je suis venue te faire un dernier adieu.
- Je pars ce soir. Je te remercie d'avoir été toi, tu as été une amie formidable, plus que quiconque pouvait espérer. Tu m'as sauvé la vie, tu y as laissé la tienne. Je continuerai de regarder chaque soir, les étoiles en ta compagnie et celle de Sam. Je n'oublierai pas ton sacrifice et je tâcherai de lui rendre honneur. Tu me manques Ash'. Merci d'avoir existé.
Je me relève, j'effleure du bout des doigts la stèle, probablement pour la dernière fois. Des larmes roulent sur mes joues, toutes les images me reviennent. Je m'en veux de ne pas avoir été à ses côtés. Je vais mieux, je vais partir, tout recommencé en prenant le soin de ne pas l'oublier. Je vais trouver ce meurtrier et lui faire subir ce qu'il lui a fait. Je sais que la vengeance n'est pas une bonne chose, mais j'ai besoin d'un but pour continuer à vivre dans un semblant de sérénité. Je ne peux pas continuer à rester indéfiniment dans cette forêt, avec tous ces monstres, tous ces souvenirs.
Je me dois de me battre, pour Sam et surtout pour Ashley.
Mes étoiles.
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Sacrifice
Ciencia FicciónAshley est une exclue, Abandonnée et trahie, Jetée en pature au milieu d'une forêt, Comme des milliers d'autres. Elle lutte, Tous les jours, Se battant contre des morts-vivants, Plus survivante que vivante. La rapidité à laquelle un monde peut s'eff...