Chapitre 11

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Je ne sais pas exactement combien de temps s'est écoulé depuis l'annonce de Kai.

La Forêt nous fait perdre la notion de l'espace temps. Lundi? Jeudi? Aucune idée.

C'est loin d'être une chose simple. Nous nous repérons grâce aux saisons, quoique avec le changement climatique ça ne vaut plus grand chose.

En revanche, ce que je sais, c'est que la capacité à agir comme une personne normale de mon ami diminue. De jour en jour.

Toutes les morsures sont différentes, rares sont les gens qui se transforment directement. Mais ils existent. La plupart des états se dégradent vite puis stagne avant de reprendre de plus belle.

La plaie s'agrandit et saigne souvent, son corps le fait souffrir et surtout ; les voix commencent à arriver. Il se shoote au somnifère et enchaîne les crises d'angoisses. Je lui prépare une décoction de plantes, une recette de ma grand-mère. Je l'étale sur sa plaie de sorte à ce que le pus s'enlève au maximum. Ça marche, au début, mais les effets ne durent que peu de temps et l'infection réapparaît. Ses veines sont gonflées et son bras droit pend constamment le long de son corps, il ne l'utilise plus.

Il sort de sa tente seulement de temps en temps, pour essayer de manger, mais la nourriture le fait vomir, je lui apporte quand même mes repas au cas où.Je ne réalise pas.

J'ai pris ses gardes pour qu'il puisse se reposer. Mais cette situation ne pourra pas durer indéfiniment, je dis aux autres qu'il a juste une grosse grippe ou un virus quelconque, mais je ne suis pas sûre qu'ils me croient. Ils ont essayé d'aller le voir mais Kai faisait semblant de dormir à chaque fois.

Je n'aime pas leur mentir autant, je déteste cette situation. Et par-dessus tout je déteste penser que mon plus cher ami risque de mourir dans peu de temps si je ne fais rien. Mourir, ce mot à un goût amer.

Le plus long cas de résistance face à une infection à durée six mois. C'était du jamais vu.

Mais personne d'autre n'a tenu jusque-là.

Ce qu'il est important de savoir, c'est que si la victime a tenu aussi longtemps c'est tout simplement parce qu'elle était alitée, et subissait des interventions tous les jours.

Dans la majorité des cas, les gens craquent au bout d'une semaine, je dirais.

Les nuits sont courtes de mon côté, mais ai-je vraiment le droit de me plaindre? Qui ne ferait pas d'insomnie ou de mauvais rêves dans un endroit pareil? Je fais des cauchemars incessants dans lesquels je passe en revue tous mes proches décédés ou non. Je les vois tour à tour se faire mordre. Je les vois pendant leurs transformations. Et je les vois aussi quand ils deviennent fous et que la vie quitte leurs yeux. C'est difficilement supportable.

J'écoute la radio le plus souvent possible, à chacune de mes gardes. J'ai espoir de capter quelque chose, une information qui pourrait m'aider, un petit quelque chose qui ferait la différence, mais rien. Celle-ci me parle de la citadelle de notre pays ; "un grand festival pour annoncer l'hiver prochain s'est déroulé cette semaine, le public était au rendez-vous. Une récolte de fonds avait été organisée par la même occasion, un grand succès. L'argent va contribuer à la recherche sur le vaccin et aidera à créer de nouvelles armes, plus puissantes que les dernières. Le jour où celui-ci marchera enfin, nous pourrons sortir hors de la citadelle à nouveau. Les morsures des sang-froids ne vous feront plus rien. Malheureusement ces recherches ne sont qu'à l'état de théorie, rien de concret. C'était le journal quotidien, merci de votre écoute".

La radio grésille annonçant la fin de l'émission, je l'éteint. Je déteste l'écouter, la plupart du temps ce n'est que pour énoncer leurs innombrables richesses.

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