Chapitre 14

8 3 0
                                    


J'aperçois au loin, la citadelle, cette muraille qui nous maintient éloignée du monde, un monde qui nous appartenait autrefois.

Je souris malgré tout, c'est bon, on l'a enfin trouvé. Je me mets à courir aussi vite que je le peux, Kai de nouveau sur mes épaules. Hélène me suit dans ma course. Il n'y a rien de mieux que de se sentir si près du but. Je l'effleure presque. On a réussi. Une étape de plus cochée sur la liste des choses à atteindre avant l'objectif final. Je dépose mon ami sur le sol et me débarrasse des sacs qui m'encombrent. Nous nous asseyons assez près de la grande porte, cachée par un énorme buisson pour que personne ne nous remarque. Je reprends péniblement mon souffle.

- On a réussi la première partie du plan! Chuchote Kai.

- Oui, enfin! répond Hélène.

Je suis heureuse de voir leur enthousiasme. Nos yeux pétillent et nos voix tremblent d'émotions. Moi qui ne pensais pas être capable de retrouver le chemin jusqu'ici.

- Bon, Kai, passe moi ton bras maintenant. Dis-je obligé, de revenir sur Terre.

- Oh non, je vais encore souffrir c'est ça?

- Ouais, t'inquiète ce sera rapide.

Je sors la nouvelle onguent de plantes que nous avons réalisée il y a quelques jours.

J'attrape doucement le bras de mon ami et soulève la manche de son pull crasseux. L'odeur de sa blessure crée un fort contraste avec le parfum des plantes. Je retiens un rictus. La plaie s'est agrandie, au départ elle ne prenait qu'une minuscule partie de son poignet. Aujourd'hui, la morsure prend la moitié de son avant- bras. Le sang ne coule pas mais le pus et les morceaux de peaux virevoltants sont bien présents. La plupart des sang-froids ont eux aussi, une zone de leurs corps en décomposition, parfois ils leurs manquent même un membre. Si -comme beaucoup-, c'est à cause du vaccin est bien aucune zone n'est susceptible de pourrir.

Cette plaie dégage une puanteur horrible, un mélange de cadavre et de cendre. C'est répugnant.

Mon ami se tortille de peur lorsque je décide de lui appliquer un peu de décoction.

- Bouge pas, lui dis-je.

- J'aimerais bien t'y voir toi! Je suis carrément en décomposition, c'est dégueulasse!

- Je sais, mais si tu continues comme ça, ça ne va pas t'aider.

Il arrête subitement de se trémousser et il secoue légèrement la tête.

"Tu as raison", il chuchote, je n'entend presque pas, mais il l'a au moins avoué.

Je prends la pâte verdâtre et gluante dans mes doigts et je l'étale le plus doucement possible sur toute la zone de la morsure. Kai se contient de hurler, mais les larmes dévalent ses joues. Hélène attrape sa main libre et lui dit que tout va bien. J'ai le sentiment de réaliser une opération chirurgicale de grande envergure, je sais par avance que jamais je ne deviendrais chirurgienne. Je n'ai même pas le bac, on m'a jetée dehors avant que je finisse ma scolarité.

- C'est bon, j'ai fini.

Je m'essuie les mains dans l'herbes, la crème me colle les doigts.

- Merci, dit-il.

Je hoche la tête, et je sors la montre d'un des sacs, elle ne peut plus se porter, les hanses sont cassées. Il est environ dix-sept heures.

Je ne dis rien et préserve le peu de joie que nous avons encore. Mais la vérité c'est que je ne suis pas sûre que quelqu'un d'autre arrive aujourd'hui, je croise les doigts.

SacrificeOù les histoires vivent. Découvrez maintenant