Chapitre 21

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Les jours passèrent et avec eux, Quhuang semblait revivre. Cela faisait maintenant trois semaines que Darhwei était enfermé avec sa mère. Bien traité, le garçon ne semblait plus faire état du moindre éveil. Une bonne chose car cela signifiait ainsi que sa vie serait sauve. Mais une chose qui m'éloignait de plus en plus du Prince.

Chaque jour faisant, Quhuang m'avait repoussé de plus en plus froidement. Je m'accrochai pourtant, refusant d'abandonner l'idée qui s'éloignait pourtant de moi.

— Il va finir par vous enfermer, me souffla Shuimoren alors que je sortais de nouveau des appartements du souverain.

— J'y arriverais.

Le démon ne sembla pas convaincu, mais il me laissa partir alors que des voix féminines se faisaient entendre à l'autre bout du couloir. Encore. Je fronçai les sourcils en croisant les femmes qui se dirigeaient droit vers la chambre de leur Prince.

— Ne dites rien, grondai-je à l'encontre du bras droit qui m'observait en silence.

Il n'y comptait visiblement pas, préférant tourner les talons pour éviter, sans doute, ma colère grandissante. De toutes les manières, je ne savais que trop bien ce que pensait Shuimoren. Il ne croyait pas en moi ni même en ce que je lui avais expliqué. Estimant que je ne faisais que perdre mon temps, il n'imaginait pas son Prince réapprendre à aimer. Et à vrai dire, je commençais à perdre espoir, moi aussi.

— Si elles pouvaient au moins être silencieuse... grondai-je faiblement en reprenant ma marche.

Pire que de voir ces femmes appelées par Quhuang, j'étais contraint de supporter leurs gémissements de plaisir jusque dans les couloirs. Je savais pourtant parfaitement pourquoi elles étaient là. Les rumeurs s'étaient à vrai dire vite répandues dans le château. La pute et le Prince. Voilà comment les démons nous surnommaient au palais. Et si j'avais appris à accepter ce sobriquet dégradant, Quhuang, lui, semblait incapable de le tolérer et multipliait les conquêtes, comme pour effacer toute association entre nous.

J'abhorrais cela. J'haïssais chaque démone trop heureuse lorsqu'elle quittait ses appartements. Je détestai jusqu'à leur existence même. Ce n'était pourtant pas là ma personnalité. D'ordinaire compréhensif et même souvent trop indulgent, je me surprenais à ressentir pour la première fois une jalousie maladive envers ces femmes qui se pressaient autour de Quhuang. Leur présence me lacérait le cœur, chaque rire, chaque murmure amplifiant mon tourment. Je savais néanmoins que cette jalousie n'était pas seulement née de mes sentiments pour lui. C'était un fait également ancrée dans ma nature de fée. Nous, les fées, étions intrinsèquement jalouses dès lors que nous nourrissions nos sentiments. Un trait de caractère qui, en cet instant, brûlait en moi avec une intensité dévastatrice, me prouvant que mon insistance n'avait fait que m'attacher davantage au démon.

Je me laissai enfin tomber sur mon lit, cachant mon visage dans les oreillers pour y gémir de rage. Je n'allais pas tenir ainsi longtemps tant la colère battait dans mes tempes. Avais-je pour autant le choix ?

La sortie des deux femmes qui avaient rendu visite à Quhuang répondit à cette question. Si je n'avais pas de choix, je devais m'en créer un. Enragé par leurs rires et leurs commentaires, après plus d'une heure à ruminer, je sortis de ma chambre en claquant la porte devant elles. Leur discussion s'interrompit net alors que je les fusillai du regard. Mais elles n'étaient pas ma cible. Celle-ci se trouvait encore dans les appartements que je rejoignis en volant au plus vite. Et, à l'instar de ma porte, la sienne fut violemment refermée derrière moi.

— La violence ne te va définitivement pas, souffla le démon alors assis sur son canapé.

Il ne me jeta même pas un regard, son verre de vin à la main et un rictus aux lèvres alors que je le détaillai du regard. Il n'avait même pas pris la peine de se couvrir, me dévoilant une peau que je n'avais encore jamais vue tandis que mes yeux définissaient le délié de ses muscles autant que les ronces tatouées sur son bras droit. Malgré moi, mes joues rougirent, mais je ne parvins pas à détourner les yeux. Il était beau, impossible de le nier. Beau et surtout particulièrement insolent, alors que ses yeux se posaient enfin sur moi.

Les Quatre RoyaumesOù les histoires vivent. Découvrez maintenant