Chapitre 20

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Les heures passèrent. Mon plan avait-il fonctionné ? Je l'espérais, mais nous n'avions pas pu le vérifier. La potion de Guan entre les mains de Shuimoren, le démon jouait avec, observant Darhwei qui était resté dans les bras de sa mère.

— Allez voir Quhuang, soufflai-je au bras droit.

Pas de réponse. Fronçant les sourcils, je tournai la tête vers le brun. Pourquoi ne bougeait-il pas ? Allait-il jouer à la forte tête comme les gardes avant lui ?

— Shuimoren ? appelai-je, espérant qu'il ne m'avait seulement pas entendu.

— Je ne vous laisse pas seul ici.

Il m'avait donc parfaitement entendu. Pour preuve supplémentaire, il se redressa pour s'approcher de la cage refermée.

— Comment vas-tu ? demanda-t-il à l'encontre du semi-éveillé.

A son tour de ne lui donner aucune réponse, son visage se cachant un peu plus contre sa mère. Il était bien loin de l'homme froid que nous avions rencontré, pour sûr.

— Vous voyez, il n'y a aucune risque, assurai-je alors.

— Alors pourquoi n'y allez-vous pas, vous ?

Un bon point pour lui qui me fit grimacer. Le risque zéro n'existait pas. Encore moins lorsque la raison même de notre présence ici se trouvait être basée sur une supposition jamais vérifiée. Shuimoren était un démon puissant, entraîné pour combattre. Mais il ne survivrait pas à un éveillé.
Et si Darhwei était encore assommé des potions et peu à même de vaincre un château entier, je préférai m'assurer que personne ne risquerait rien. Peut-être avais-je trop haute opinion de moi à imaginer que je pourrais l'arrêter, mais cela me rassurait bien plus que de laisser le bras droit seul ici.

— Il faut aller vérifier, finis-je malgré tout par gronder de nouveau.

A bien y penser, plus que la crainte de laisser Shuimoren seul, je craignais de retrouver Quhuang mort. Alors, lâchement, je m'étais décidé à rester ici pour surveiller Darhwei.

— Inutile de vous déranger, entendis-je soudain derrière moi.

Brusquement, je me retournai. Quhuang. Il était là. L'air épuisé marquait son visage, mais il était debout au point que mon coeur rata un battement. Cela avait donc fonctionné... J'avais réussi à les sauver tous les deux.
Ma joie ne dura pourtant qu'un court instant. Malgré son apparence affaiblie, le regard du Prince ne put me détromper. La colère y avait retrouvé sa place, brûlant dans ses yeux.

— Il faut que tu...

Je fus arrêté d'un mouvement dans la main. Arrêté dans mon élan, j'observai Quhuang avancer doucement dans les cachots.

— Shuimoren, prépare leur exécution, gronda l'éveillé sans même me jeter un regard.

— NON !  m'écriai-je, m'interposant entre lui et les prisonniers.

Enfin, l'homme posa les yeux sur moi. Le dos droit, je lui fis face, tentant de garder la contenance que son regard me faisait perdre à mesure que les secondes s'écoulaient. Il n'avait rien de l'homme que j'avais embrassé quelques heures auparavant.

— Ce qu'il s'est passé était une regrettable erreur, articula-t-il froidement. Décale-toi.

— Il n'en est pas question.

— Ne m'oblige pas à...

Le démon s'arrêta brusquement, son regard se portant sur Darhwei. Je n'eus pas besoin de lui expliquer quoi que ce soit ; il comprit immédiatement la situation. L'éveil du démon s'était interrompu, lui permettant de récupérer un peu d'énergie. Mais rien ne garantissait que cela durerait. Pire encore, il était impératif d'éviter tout sentiment négatif... comme celui de le condamner à mort. La colère et la haine qu'il ressentirait pouvait alors nous ramener en arrière, à ce point de non-retour que j'avais réussi à éviter de justesse.

Les Quatre RoyaumesOù les histoires vivent. Découvrez maintenant