J'avais passé les trois derniers jours enfermé dans la bibliothèque royale, comme me l'avait conseillé Menh Po. Trois jours qui me permirent au moins de ne pas croiser Quhuang dont la présence me rappelait bien trop combien je ne pouvais pas rentrer chez moi. Là-bas, j'y avais appris bien des choses. Des révoltes démones à leur éloignement de la scène internationale en passant par la ségrégation. Tout avait donc commencé au fondement des Trois Royaumes, les laissant à l'écart, les discriminant pour seule raison d'une race qu'ils n'avaient pas choisi.
À bien y réfléchir, je devais admettre que jamais je n'avais étudié les démons sous cet angle. Race dangereuse, vicieuse et vindicative, c'était là les seuls termes en lesquels ils nous étaient décrits dans mon Royaume. Leur sentiment d'injustice pouvait se comprendre. Je la comprenais, au regard de leur histoire. Mais malgré tout, cela excusait-il le reste ? Les meurtres ? Les guerres ? Non, il devait y avoir une raison, une réelle explication au commencement de tout cela.
— Tu n'auras pas assez d'une vie pour lire tout ce qui se trouve ici, m'interrompit la voix que je fuyait pourtant.
Fermant le livre que je tenais entre les mains, je l'observai. Les sourcils froncés, je ne pus m'empêcher de soupirer, témoignant de mon agacement. J'étais certes enfermé dans son palais, mais était-ce une raison pour me chercher ? Ne pouvait-il pas vaquer à ses occupations ? Visiblement pas car l'homme approcha de moi, attrapant l'un des manuscrits posés sur la table.
— Une fée s'intéressant à notre histoire. C'est presque le début d'une mauvaise blague.
— Cela le serait si c'était un démon qui s'intéressait à la nôtre, grondai-je pour toute réponse.
Quhuang arqua un sourcil, son regard tombant sur moi alors qu'un demi-sourire se dessinait sur son visage. Ma répartie semblait l'amuser. Soit, au moins ne tomberions-nous pas dans une joute verbale inutile.
— Je me pose néanmoins une question, reprit le Prince. As-tu décidé d'embrasser notre culture à défaut de pouvoir vivre la tienne chez toi ou penses-tu que la bibliothèque soit le meilleur moyen de fuir ton geôlier ?
— Qu'ont fait les démons pour être ainsi détesté ?
Ma question eut au moins le mérite de stopper tout air sarcastique sur le visage de Quhuang. Surpris, sûrement, que je n'aie pas répondu à sa remarque qui se voulait acerbe, je sentis son regard m'observer attentivement.
— Ta questions se porte certainement sur ce que nous n'avons pas fait pour être accepté, rétorqua-t-il froidement.
— Y a-t-il une différence ?
— Une grande. La différence fondamentale avec vous, bien-pensants. Celle qui fait de nous des êtres vivants à part entière. Nous avons refusé de vous offrir notre essence sur un plateau d'argent.
— Vous avez mis à mal tout l'équilibre du monde ! m'emportai-je soudain, me redressant pour lui faire face.
Je me souvenais de cette histoire, de celle du début des Royaumes il y a de cela plus de 30.000 ans. Au départ existaient Quatre Rois. Démons, Fées, Elfes et Humains vivaient en harmonie dans un monde aux frontières implicites, un monde où tous s'entendaient. Mais ce monde avait fini par prendre fin à cause d'un démon. Varnok, le second Roi Démon avait mis un terme à cette entente, maudissant tout ceux qui se trouvaient sur son passage jusqu'à cette malédiction, celle qui avait à jamais marqué l'histoire des Royaumes.
D'un geste empreint de haine, Varnok avait invoqué une malédiction puissante et terrifiante. Les familles de sang royal de chaque royaume, humain, elfe et fée, furent frappées par un sort inéluctable : chacune ne pourrait plus produire qu'un seul héritier. Cette malédiction, bien que simple dans sa formulation, avait porté en elle des conséquences dévastatrices. Les premiers siècles après la malédiction furent marqués par la peur et la suspicion. Les rois et les reines, déjà inquiets pour leur succession, devinrent paranoïaques. Chaque naissance royale était entourée de célébrations, mais aussi d'une angoisse palpable, car elle signifiait qu'aucun autre enfant ne naîtrait pour sécuriser la lignée. Si un héritier mourait jeune, souvent à cause de maladies ou de malheurs, le royaume se retrouvait sans successeur, plongeant les terres dans des luttes fratricides pour le pouvoir. Varnok, dans sa cruauté et sa clairvoyance maléfique, avait anticipé ce chaos. Il savait que la fragilité des lignées royales entraînerait des conflits internes, affaiblissant ainsi les royaumes de l'intérieur.
C'était à cause de lui, de Varnok, que les Trois Royaumes avaient été créés. Pour se protéger mutuellement, pour que tous puissent soutenir son voisin, son ami. A cause d'un démon.
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Les Quatre Royaumes
ParanormalLorsque Quhuang, le Prince Héritier du Royaume des Démons se réveille, c'est tout un équilibre qui devient précaire, encore plus lorsque Lysanthir, Prince des Fées est à l'origine de cette libération. L'équilibre devra alors être retrouvé... Et vite...