Chapitre 33

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J'avais peur. Mon corps entier tremblait de peur alors que la garde elfique me guidait jusqu'au centre de la salle des condamnations. Devant moi, mon père m'observait gravement, sa main tendue vers moi. Rien n'était habituel. Loin de se trouver dans les gradins, le Roi se trouvait près de l'accusé, près de moi. Et près de Quhuang dont la main glissa dans mon dos.

— Tu es prêt ?

Je sentais l'inquiétude de mon père autant que l'impatience des deux souverains se tenant à ses côtés. De quoi m'angoisser davantage alors que j'hochai doucement la tête. Je n'étais pas prêt, bien sûr, mais le choix ne m'était certainement pas donné.

— Tu vas t'endormir, me souffla mon père. Tu ne sentiras rien et tu viendras avec nous.

— Il est accusé ! s'insurgea Theodas. Il ne doit pas...

Le regard de mon père fit taire le roi des Elfes. Cette décision n'attendait visiblement aucune remarque tandis que ses mains entouraient les miennes. Fermant les yeux, je soufflai doucement. Je ne sentirais rien. Quhuang lui non plus n'avait rien senti. Je devais avoir confiance.

Comme si le sol se dérobait sous mes pieds, j'eus l'impression de tomber doucement. Non, je planais. Dans un univers noir, sans repère et sans fin je planais. Une sensation étrange m'envahit, un mélange de peur et de curiosité. Je ne savais pas où j'étais ni ce que je devais faire. Je me sentais seulement bien, en sécurité. Et ce fut même davantage le cas lorsque la visage de Quhuang m'apparut au loin.

Il fut un phare dans cette obscurité, me guidant jusqu'à lui alors qu'autour de moi le brouillard se faisait. Et le flou laissa place à un jardin. Mon père et les Rois s'y trouvaient déjà, m'attendant patiemment en observant autour d'eux.

Le jardin semblait irréel, empreint d'une beauté éthérée. Les fleurs y étaient d'une vivacité de couleurs que je n'avais jamais vue auparavant. Au contraire de l'esprit du Démon, des arbres majestueux s'élevaient vers un ciel étoilé, leurs branches s'entremêlant pour former une voûte naturelle. Mais plus que tout cela, ce fut une rivière dorée serpentant paisiblement à travers ce havre de paix qui attira mon attention.

Je captai le regard de Quhuang, tourné vers cette même rivière, semblant même s'y perdre alors que j'avançai vers lui. J'en oubliai un instant la présence des autres Rois, ma main glissant dans la sienne un instant.

— Doré, n'est-ce pas ? murmura le Prince, une boule d'énergie colorée dans la main qu'il laissa évaporer.

J'esquissai un léger sourire, apaisé par cette vue. Un rappel clair du lien que je ne comprenais toujours pas mais qui existait, pour sûr.

L'apaisement fut pourtant de courte durée et trop rapidement la voix du Roi des Elfes nous parvint.

— Et ce comportement est sûrement la preuve de sa loyauté ?

Je relâchai la main de Quhuang, la mine basse. L'épreuve du coeur commençait mal... 

— Theodas, s'il te plait, intervint pourtant mon père.

Je sentis son regard posé sur nous se détourner vers la rivière. Un instant, j'eus envie de lui poser des questions, de comprendre ce lien qui ne semblait pas l'effrayer. Un seul instant avant que le Roi des humains ne s'avance vers nous, les sourcils froncés.

— C'est... tenta de commencer Quhuang.

— Je ne jugerais que les faits, nous indiqua sagement le Roi Kieran avant de se retourner vers mon père. Allons-y. Il est inutile de perdre du temps. Pirhpal ?

Le Roi des Fées s'approcha à son tour de nous, m'observant avec une intensité que je n'avais encore jamais vu avant de se détourner. 

— Très bien, dit-il calmement. L'épreuve du cœur commence maintenant.

Les Quatre RoyaumesOù les histoires vivent. Découvrez maintenant