Les Quatre Royaumes

Chapitre 2

Que faisait mon père ? Pourquoi n'était-il déjà pas là ?! A la tête de cette armée de fortune, je tentais tant bien que mal de repousser ces démons, ces hommes et ces femmes qui ne souhaitaient que nous détruire. Ils n'avaient de cesse de revenir, de nous pousser plus au bord encore de cette île maudite de Cegucia.

— Votre Majesté !

Le cri d'un soldat attira mon attention. Quelque chose n'allait pas. Quelque chose n'allait vraiment pas. Une source lumineuse provenait de la tour. Ce n'était pas normal. Cette tour devait être inerte, comme plongée dans un sommeil profond. Elle ne pouvait pas s'éveiller, elle ne pouvait pas produire la moindre lumière. Rien de ce qui l'habitait ne pouvait produire une telle chose.

— Vous tenez les positions ! répondis-je.

Quittant mon poste, je volai jusqu'à l'entrée de la forteresse pour y voir le pire. Il y avait une fissure, une large fissure qui éventrait le toit. Fronçant les sourcils, j'entendis mon père et les deux autres Rois de notre monde arrivés, enfin. Mais trop tard pour que je ne doive pas plonger. Quelque chose n'allait pas. J'en étais convaincu. Et malgré les hurlements de mon père, c'est au coeur de la tour que je me précipitai.

Tout était noir autour de moi. L'odeur de soufre qui se dégageait me faisait plisser le nez alors que je suivais consciencieusement cette source lumineuse.

Boum boum.

Un bruit. Il y avait un bruit, je l'avais perçu alors que le silence s'était pourtant fait dès lors que j'avais passé les murs de la forteresse.

Boum boum.
Boum boum.

Qu'était donc ce bruit qui commençait à m'entourer ? Fronçant les sourcils, je continuai à m'enfoncer dans les entrailles de Cegucia. Je devais comprendre ce qu'il se passait, je devais l'arrêter et sécuriser la tour avant de pouvoir sortir.

Boum boum.

Là. C'était... Je me figeai face à cette table de pierre trônant dans ce noir complet, cette table d'où provenait la lumière. Ou plutôt cet homme duquel sortait cette lumière.

Boum boum.

Et ce bruit, c'était... Son coeur. Le coeur de Quhuang, Prince Héritier des Démons. Maintenu captif, comme endormi, là, devant moi.

Boum boum.

Mais s'il était endormi. Je connaissais ce sort, ce sceau. Je l'avais étudié. Quhuang avait été scellé. Non, son coeur avait été scellé par le sceau des Trois Rois. Alors...

Boum boum.

Pourquoi entendais-je son coeur ? Pourquoi sentais-je chaque battement en moi ? 
Je ne pris pas davantage le temps de réfléchir. Cessant de tergiverser, j'usai de ma magie pour le maintenir dans un état d'éveil.  Il était en train de se réveiller. Ce n'était que la seule explication que je trouvais là. Il se réveillait, son coeur se libérait de son entrave. Mais alors, comment sortir si je devais le maintenir ainsi, dans cet état ?

Les yeux de Quhuang s'ouvrirent alors que la voix de mon père traversait mon esprit.

"Sors, Lysanthir. Maintenant..."

Non, pas maintenant, pas quand il se réveillait pas quand je craignais que nous ne puissions le vaincre. Nous n'étions pas préparés comme nos ancêtres l'avaient été. Nous n'étions pas en mesure de le combattre.

"Lysanthir !" Insista pourtant mon père.

Je ne pouvais pas. J'étais le seul héritier du Royaume des Fées, l'unique héritier. Mais je ne pouvais pas rompre ce sort tandis que j'observai malgré tout le corps du démon s'éveiller.
Et j'entendis les cris de mon père, les suppliques de mon père, restées sans réponse. Ils ne pouvaient pas laisser la forteresse sans sceau. Ils ne pouvaient pas attendre davantage.