Quhuang était rentré deux jours plus tard. Je ne l'avais pas croisé une fois, mais au moins Shuimoren eut-il l'amabilité de nous faire part des nouvelles de guerre. Elle se préparait. Vite. Trop pour que je n'hésite à vrai dire.
La nuit était déjà bien avancée lorsque je quittai ma chambre, glissant sur la pointe des pieds à travers les couloirs silencieux. Inutile de gaspiller la moindre parcelle de magie alors que le sort que je m'apprêtais à lancer exigerait toute mon énergie. Mais à chaque pas qui me rapprochait des appartements de Quhuang, un malaise grandissant s'emparait de moi, une honte d'oser utiliser cette magie interdite. Mais avais-je le choix ? Évidemment que non. Si je voulais que mes idées se concrétisent, je devais au moins savoir s'il y avait une lueur d'espoir, une chance à laquelle me raccrocher dans le cœur de Quhuang.
Le château était étrangement silencieux, les murs de pierre froide renvoyant le moindre de mes souffles comme un écho de mon hésitation. Mes pensées tourbillonnaient, luttant entre la moralité de mon acte et la nécessité de connaître la vérité cachée dans les tréfonds de son âme. Chaque ombre semblait murmurer des avertissements, chaque courant d'air portait le poids de ma culpabilité. Mais enfin, j'arrivai devant la porte massive de ses appartements.
Mon cœur battait à tout rompre, la tension électrique parcourant mes veines. Prenant une profonde inspiration, je posai ma main sur le bois sculpté, sentant les nervures sous mes doigts. Il était temps de découvrir si, au-delà de sa colère et de sa rage, Quhuang possédait encore une étincelle d'humanité capable de répondre à mon appel désespéré.
Lentement, dans un espoir de silence total, je m'approchai de son lit. Quhuang semblait y dormir profondément, sa respiration régulière trahissant un rare moment de paix. C'était une chose en moins à gérer alors que je m'agenouillai près de lui. Mon cœur tambourinait dans ma poitrine, mais je me forçai à me concentrer.
Je connaissais ce sort. Mon père me l'avait appris dès que j'avais été en âge de le maîtriser. Une garantie, à vrai dire, au cas où un malheur lui arriverait, car cette magie incombait au Roi seul. Je m'étais ainsi entraîné maintes et maintes fois, je connaissais chaque geste à effectuer, chaque pensée à diriger. Mais à cet instant précis, une peur viscérale m'envahit. La peur de le blesser, celle de le perdre pour de bon. Était-ce le signe que je devais suivre, m'indiquant qu'il ne fallait pas que je le fasse ? Je préférai ne pas l'écouter. Il y avait trop en jeu, trop de vies suspendues à cet acte qui me semblait soudain désespéré.
Je pris une profonde inspiration et fermai les yeux pour calmer les tremblements de mes mains. Puis, lentement, je fis des gestes précis avec mes mains, dirigeant mes pensées vers mes intentions que je désirais pure. Pour m'y aider, je murmurai quelques incantations, chaque mot me coûtant un peu plus de courage. Mais enfin, la magie commença à pulser à travers moi, une énergie ancienne et puissante, tissée dans les veines de notre lignée royale. Comme une lumière dans mon esprit, je sentis les portes de son cœur se desserrer, un portail vers son âme intérieure s'ouvrant lentement. J'étais sur le point de pénétrer cette sphère intime, de découvrir les véritables sentiments cachés derrière ses défenses. Ne restait que quelques mètres, quelques secondes à franchir pour y parvenir.
— Qu'est-ce que tu fais ?!
La voix rauque et furieuse de Quhuang me parvint autant que la sensation de sa prise ferme sur mon poignée. Mais ce fut trop tard. Mon corps s'écroula et je fus propulsé dans une nuée de couleurs et de formes indistinctes jusqu'à ce que je ne me sente lourdement tomber sur un sol dur. Fronçant les sourcils, je grondai en me redressant avec l'impression d'être passé sous un rouleau compresseur. Rapidement, j'observai autour de moi, plissant les yeux. J'étais sur une terre sèche, craquelée. L'air ambiant était lourd. Le ciel était noir, dénué d'étoiles. Seule une lune trônait majestueusement, m'éclairant seulement suffisamment pour que je puisse distinguer chaque rares brindilles d'herbes. Ce n'était pourtant pas un désert. C'était un jardin... Là-bas, il y avait des arbres. Morts. Tous, morts.
![](https://img.wattpad.com/cover/369696662-288-k615531.jpg)
VOUS LISEZ
Les Quatre Royaumes
ParanormalLorsque Quhuang, le Prince Héritier du Royaume des Démons se réveille, c'est tout un équilibre qui devient précaire, encore plus lorsque Lysanthir, Prince des Fées est à l'origine de cette libération. L'équilibre devra alors être retrouvé... Et vite...