Chapitre 15

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Je n'avais pas compris ce qu'il s'était passé la veille. Je m'étais couché rapidement après, comme sonné par l'attitude qu'avait eu Quhuang autant que par ses gestes. Sans que je n'en comprenne le sens, j'avais fini par m'endormir lourdement, allongé par Guan, toujours sur ce même ordre "du Prince".

J'allais m'en remettre. Il fallait seulement que je me repose mais Quhuang avait arrêté ce qui avait été défini comme une folie suffisamment avant que le point de non retour ne soit atteint. Il m'avait sauvé, n'avait eu de cesse de répéter le guérisseur. C'était vrai. Et c'était surtout étrange.

Pourtant, je ne pus réellement me reposer. Réveillé quelques courtes heures plus tard, je me relevai. Nous n'avions pas de temps à perdre. Gaelira eut beau hurler, je ne cédai pas. Nous devions aller au Royaume des Elfes.

— Je viens, assura même Shuimoren.

Je ne pus évidemment pas refuser. Nous avions besoin de monde. Et même si la jeune fée s'opposa encore, nous partîmes.
En silence, au milieu de la nuit, nous quittâmes tous trois le palais en direction de la frontière. 

Voilà donc notre première étape. Le Royaume des Démons jouxtait celui des Hommes qu'il nous faudrait traverser. Si Arvandor n'était pas une terre qui nous opposerait beaucoup d'obstacles, les frontières, elles, étaient fermées depuis des millénaires. Seuls quelques ponts étaient encore maintenus debout alors que le courant violent de la rivière empêchait tout passage. Des ponts gardés férocement par les fées, les elfes et les humains qui, conjointement, observaient les terres démoniaques, prêts à donner l'alerte.

— Comment on va passer ? s'inquiéta Gaelira. Ils sont trop nombreux...

— Vous ne pouvez pas vous téléporter féeriquement ? souffla presque sarcastiquement Shuimoren.

Je le fusillai presque du regard. Nous pensait-il réellement aussi incapables de ne pas penser à l'évidence ?

— Les ponts énergétiques ont été fermés du Royaume des Démons jusqu'aux autres Royaumes, grondai-je. Seuls les passeurs ont la capacité de faire traverser.

— Alors, comment on va passer ? répéta la fée.

Une idée, une idée, une... Je m'arrêtai soudain en fixant le pont. Il y avait du lierre, beaucoup de végétation. C'était notre chance.

— N'y pensez pas, souffla Gaelira.

Elle avait bien compris ce que je regardais.

— J'y arriverais pas, le lierre c'est...

— Je sais, murmurai-je. Mais je t'ai déjà vu faire grandir un arbre en quelques heures. Il faut seulement que tu concentres le lierre.

La jeune femme plissa les yeux, observant le pont.

— Hedera sinensis... Ca supportera jamais notre poids... Il faudrait au moins 5 branches, c'est...

— De quoi parlez-vous ? gronda soudain Shuimoren.

— Il voudrait que je fasse grandir le lierre sous le pont pour nous permettre de passer. Mais...

— C'est une bonne idée, vas-y.

Au moins le bras droit était-il de mon côté alors que Gaelira l'observait, surprise.

— Allez ! insista l'homme.

Il fallut une longue minute d'hésitation à la fée, entourée de nos regards insistants, pour enfin se lever discrètement. Elle était notre seule solution ou tout du moins la seule que je pouvais imaginer à cet instant. Gaelira était une fée naturelle douée. Elle maîtrisait la pousse d'un nombre de plantes incroyable et leur assurait toujours le meilleur des soins. Un pouvoir qui allait, j'en étais convaincu, nous servir aujourd'hui. Son but, et elle l'avait bien vite compris, était simple. Elle devait faire en sorte que nous puissions passer sous le pont en utilisant le lierre qui l'avait envahi.

Les Quatre RoyaumesOù les histoires vivent. Découvrez maintenant