Chapitre 9 - Erin

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J'ai mal partout, ma tête est lourde et tambourine inlassablement. Une odeur mentholée me parvient, je l'aime bien. Je me sens mieux. J'ai envie de la sentir un peu plus prêt, j'aimerais l'attraper mais je ne peux pas, un brouillard m'empêche d'avancer. Une sensation douce remonte le long de mon bras, c'est délicieux. Une caresse aussi douce qu'une plume, puis on me serre les doigts, je vais peut être pouvoir attraper cette odeur rassurante, je ne veux pas qu'elle parte, j'ai peur. Quand elle n'est plus là, tout devient sombre et noir. Alors je me concentre et je serre de toutes mes forces, je ne suis pas sûr que ça ait fonctionné jusqu'à ce que j'entende sa voix rauque.

— Je suis là Erin, tu es en sécurité.

Cette voix aussi je l'aime bien, comme cette odeur qui me parvient avec plus de netteté, il a du s'approcher. J'essaie d'ouvrir les yeux mais j'ai l'impression que c'est impossible.

— Prends ton temps.

Mais je ne veux pas prendre mon temps, je veux voir à qui appartient cette voix et cette odeur, d'ailleurs pourquoi je suis là? Je force à nouveau sur mes paupières mais je n'arrive qu'à ouvrir mon œil gauche. Il est penché sur moi, ses cheveux humides sont détachés sur ses épaules, c'est pour ça que son odeur me parvenait avec autant d'intensité. Ses yeux sont injectés de sang et ternes, des cernes violacées couvrent ses joues.

— Comment tu te sens? demande t il inquiet.

Et là les souvenirs me percutent de plein fouet. Le regard assassin de Jimmy, son poing qui s'abat sur mon œil, la gifle qui me fend la lèvre, son couteau sur l'intérieur de ma cuisse pour m'obliger à les écarter. Ce n'est pas la première fois qu'il me viole mais c'est la première fois que je me débats avec autant de rage. Il y a bien longtemps que je n'hurlais plus, personne ne m'aidait jamais puis je me suis souvenu des prospects qui me surveillaient depuis des semaines alors j'y ai cru. Il m'a déchiré de l'intérieur avec violence et j'ai hurlé de toutes mes forces, jusqu'à ce qu'il pose ses mains autour de mon cou pour m'étouffer, j'ai cru mourir, mais tout s'est arrêté brusquement lorsque j'ai vu les cuirs des prospects. Mes mains se posent sur mon cou endolori, mon œil gonflé que je ne peux pas ouvrir, ma lèvre fendue et gonflée. Une douleur cuisante dans le vagin me donne l'impression d'avoir été tailladé de toute part. Ma cuisse bandée me tiraille également. Une larme s'échappe de mon œil ouvert.

— Je vais chercher Kyle, me dit Jake nerveux.

— Non, ne pars pas, s'il te plait, je le supplie malgré moi.

Il se fige en entendant ma supplique. Pourquoi j'ai dit ça? Je le déteste, lui aussi, alors pourquoi je veux qu'il reste, pourquoi j'ai ressenti le besoin de rencontrer cette odeur familière et rassurante? Je ne comprends rien à ce que mon corps et mon esprit me dictent, je suis fatiguée. Il se rassoit à mes côtés et sort son téléphone, je le vois écrire un message puis se tourner à nouveau vers moi. Ses yeux à nouveau dans les miens j'y décèle quelque chose que je ne supporte pas.

— Ne me regarde pas comme ça, je le supplie en détournant la tête.

— Comment? demande t il sans comprendre.

— Comme si j'étais la chose la plus fragile et la plus précieuse que tu n'es jamais vu. N'oublies pas que tu es un connard.

Un sourire étire ses lèvres mais n'atteint pas ses yeux.

— Et toi une emmerdeuse.

— Je préfère ça, je dis plus sereine avant de fermer à nouveau les yeux et me rendormir.

Je suis réveillée par des mains sur mon cou, je ne peux plus respirer, on m'étrangle, je suffoque. Une douleur cuisante s'infiltre entre mes cuisses, je hurle, me débat de toutes mes forces, pas encore, pas encore... Des bras entourent ma taille sans ménagement, je suis plaquée contre un torse dur et puissant, je hurle de plus belle jusqu'à ce qu'une odeur mentholée me parvienne, ce n'est pas possible, pas lui ... 

Et toutes les sensations précédentes s'évanouissent quand j'ouvre les yeux.

— Tu es en sécurité Erin, je suis là, il ne t'arrivera rien.

Ses mots se frayent un chemin jusqu'à mon cerveau qui comprend enfin que ce n'était qu'un cauchemar. Je remonte mes genoux contre ma poitrine et sanglote comme une enfant. Il me serre un peu plus fort contre lui tout en continuant de me murmurer des paroles rassurantes. Mes larmes finissent par se tarir et je me tourne vers lui pour enfouir mon visage dans son cou. Il se crispe légèrement, les bras ballants, ne sachant que faire.

— Ne me laisses pas, je murmure.

Ses bras se referment sur moi comme un cocon protecteur dans lequel rien ne pourra jamais plus m'arriver.

Lorsque je me réveille à nouveau, je suis seule. Je ne sais pas quand il est parti, surement dès que je me suis rendormie, en même temps il me déteste et moi je l'oblige à rester près de moi comme une bouée de sauvetage. Il faut que je me ressaisisse et vite. 

Je suis encore branchée à une perfusion, la poche est vide, j'arrache le cathéter et me lève. J'ai besoin de faire pipi, ma vessie va explosée. La chambre est plongée dans le noir, je ne sais pas qu'elle heure il est, ni depuis combien de temps je suis ici, d'ailleurs où je suis? Je tente de me lever mais mes jambes encore faibles se dérobent sous mon poids et je m'écroule à 4 pattes sur le sol, ma main saigne, là où j'ai arraché le cathéter et ma tête tourne alors que le porte s'ouvre.

— Qu'est ce que tu fais, bordel?, son ton est étrangement doux.

— Pipi, j'articule difficilement.

La douleur de ma cuisse s'est réveillée sous l'impact de mon genou avec le sol, je me sens humiliée ainsi devant lui pourtant il ne fait aucun commentaire et se penche pour m'aider à me redresser. Son bras puissant me soulève plus qu'il ne me maintient. Mes pieds touchent à peine le sol alors qu'il me dirige vers la porte face à nous. Une salle de bain spacieuse s'ouvre devant moi. Il m'installe sur le couvercle fermé des toilettes et attrape une compresse et du scotch pour bander ma main qui ne cesse de saigner. Je regarde le sol couvert de gouttes de sang.

— Désolée, je murmure.

— Arrêtes, on s'en fout de ça. Je te laisse, ça ira? Je ne sais pas si tu peux prendre une douche avec ta plaie à la cuisse. Je vais demander à Kyle, il pourra ...

— Pas pour l'instant.

— Ok, je reste dans le couloir, si tu as besoin ...

J'entends de l'eau coulée dans la cuisine pis du bruit dans le couloir, il est en train de nettoyer le sang que j'ai semé sur mon passage et les larmes se déversent à nouveau, incontrôlable. Ma vessie se rappelle à moi et entre 2 sanglots j'arrive à la vider. Je veux me laver les mains mais être debout est encore trop difficile, je lève les yeux vers le miroir et j'étouffe un cri d'horreur dans ma main. Mon visage est complétement déformé par les hématomes. On toque à la porte et je sursaute.

— Erin, tout va bien? Ca fait un moment que tu es la dedans ...

J'ouvre la porte avec difficulté, je sais que mes joues sont humides, je ne les sèche pas c'est bien trop douloureux et Jake s'abstient de tout commentaire. Il enroule à nouveau son bras autour de ma taille et m'aide à m'assoir dans le lit. Il a allumé une petite lampe de chevet, il fait nuit dehors.

— Ca fait longtemps?

— 48 h. Tu as faim?

— Je sais pas.

— Martha a préparé de la soupe et une tarte aux pommes pour toi, ça te dit?

Je hausse les épaules, je n'en sais rien, je suis nauséeuse parce que des images me reviennent en boucle mais surement aussi parce que je n'ai rien mangé depuis plus de 2 jours. 

Sons of HellOù les histoires vivent. Découvrez maintenant