Prologue

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....  Combien sont morts cette fois-ci ? demanda l'homme d'une cinquantaine d'années, debout près de la fenêtre.

Son regard restait fixé sur l'horizon, tandis que son bras droit et frère entrait dans la pièce.

Six, répondit ce dernier, en se servant un verre du liquide laiteux posé sur la table.

Six... six autres vies, murmura l'homme à la fenêtre, la voix lourde, presque brisée.

Son frère prit une gorgée avant de s'installer dans le grand canapé de cuir, usé par le temps. Le silence pesa un moment, puis un soupir s'échappa des lèvres de l'homme à la fenêtre, qui finit par se détourner pour rejoindre son frère.

Je ne veux pas leur transmettre cette malédiction... pas à mes fils, déclara-t-il, une ombre de tristesse voilant ses yeux.

Son frère, installé confortablement, ricana avant de répondre, un brin amer :

D'ici quelques années, il n'y aura plus rien à transmettre. Les mines commencent à s'épuiser.

Je sais. Mais je refuse qu'ils portent le fardeau d'avoir des morts sur la conscience.

— C'est le fardeau de tout homme dans cette famille, répliqua son frère, en haussant les épaules.

Un silence s'installa de nouveau. L'aîné prit une longue inspiration, le poids des générations précédentes se faisant plus lourd sur ses épaules.

Tes fils à toi ont choisi leur propre voie... je t'envie, Themas.

Cette remarque fit éclater de rire son frère, surpris par cette confession.

Amané, arrête de te faire du mouron ! Qui, dans cette ville, ne t'envie pas pour tes fils ?

Qu'on les prenne, si quelqu'un les veut, rétorqua Amané avec une pointe d'ironie en vidant son verre. Ils sont insupportables.

Il s'interrompit un instant, la mine plus grave.

Mais je suis sérieux, Themas. Il est temps de lancer un nouveau business.

Themas fronça les sourcils, décontenancé.

Nous avons toujours été diamantaires, de père en fils...

Les diamants, le coupa brusquement Amané, ne sont que source de problèmes. Et bientôt, il n'y en aura plus. Je veux qu'on investisse dans l'immobilier.

Un silence pesant s'installa. Themas finit par hausser un sourcil.
Tu as une idée précise, je suppose ?

Amané sourit, confiant.
Oui. Je veux que LONGUTI fusionne.

Themas cligna des yeux, étonné.

Fusionner avec qui ?

Ne me coupe pas ! répliqua Amané, agacé. J'ai déjà une entreprise en tête.

Themas l'observa avec curiosité.

Tu as tout prévu, alors ?

Absolument, acquiesça Amané.  Nous avons les caisses pleines, mais pas assez de connaissances dans certains secteurs. Et attendre des années pour développer nos compétences nous serait fatal. Le monde évolue trop vite.

Alors ? demanda Themas, intrigué.

Nous allons nous étendre à l'ouest, sur l'un des marchés les plus dynamiques du continent.

Le Nigeria ? devina Themas, le ton prudent.

Exact.

Themas secoua la tête, l'air sceptique.

Mauvaise idée, Amané. Nous avons dépassé l'âge pour conquérir de nouveaux horizons.

Amané serra la mâchoire.
Toujours toi, Themas, toujours à me freiner.

Je suis ton frère, et c'est mon devoir de te ramener à la réalité, trancha Themas en se levant.

Sans attendre de réponse, il quitta la pièce, laissant Amané seul. Le visage crispé, ce dernier resta un moment figé, contemplant la porte à moitié fermée. Mais il n'avait pas dit son dernier mot.

Demain, il reviendrait avec des plans plus clairs. Il aurait le dernier mot.

Juste 5ansOù les histoires vivent. Découvrez maintenant