Chapitre 1

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Ivy

Oh Ivy ! Toujours en retard à ce que je vois !

          Je lui souris, et je la rejoins dans la queue de la cafétéria du lycée. Léonie est ma plus fidèle amie, bien qu'elle manque de tact, elle n'a jamais abordé le sujet de mes bleus récurrent, ou le fait que je ne veuille jamais me changer en publique en cours de sport. Elle pense seulement que je suis maladroite et très pudique. Sa naïveté me touche, j'aimerais que personne ne l'atteigne jamais, mais son harcèlement scolaire l'atteint bien plus qu'elle ne veut l'admettre. Je n'aime pas forcément les cours, mais j'aime être à côté d'une amie solaire telle qu'elle.

Évidemment notre petit groupe d'amis ne s'arrête pas à elle, mais vous parlez de celle qui m'a brisé le cœur me paraît too much. Léo ne veut pas prendre de partie, même si elle le fait un petit peu. Elle ne peut s'empêcher de lui lancer des petits piques totalement gratuits. Si Léonie était payée à claquer la vérité à la figure des gens, elle serait la plus riche d'entre nous.

- Évidemment qu'elle est toujours en retard, elle rumine sûrement pour essayer de changer. Spoiler alerte, c'est impossible ma vieille.

- Lâche là tu veux ? Au moins, elle n'aurait jamais trouvé d'excuses pour aller se faire sauter ailleurs, renchérit mon amie.

          C'est rare venant d'elle, d'être si grossière, mais je crois qu'on aime tous qu'elle se lâche un peu. Son adversaire baisse le nez dans son assiette, et joue avec la viande visqueuse qui trône à l'intérieur. La bouffe ici n'est pas très fameuse, mais c'est mieux ici qu'à la maison. Je regarde Klora, et espère secrètement qu'elle s'étouffe avec ses spaghettis. Après une heure à nous regarder en chiens de faïences, je prends congés et me lève de table. Léonie m'attrape le bras, je réprime un gémissement.

- Tu vas où ? Ne fais pas attention à cette garce sans cœur.

- J'ai besoin de prendre l'air c'est tout.

J'ai parlé plus sèchement que je ne l'aurais voulu.

- On se voit tout à l'heure, d'accord ?

          Je l'embrasse sur le haut du crâne et rapporte mon plateau. Sa main chaude ne tient plus mon bras, et je la remercie silencieusement. Nous avons certaines addictions communes, bien que j'aimerais qu'elle n'en ai aucune.

          Je remonte l'allée devant tous les immeubles de notre lycée et rejoint le coin fumeur. Le traître de la maison est ici, comme surveillants mais ne m'adresse jamais la parole. Il fait seulement son rôle de grand frère quand on essaie de me persécuter, il ne veut sûrement pas qu'on touche à son jouet.
Tous les fumeurs se rejoignent devant le portail du lycée en groupes bien distincts. Il y a ceux qui ne font pas de vagues, ils ne veulent surtout pas attirer l'attention des surveillants ou des autres élèves de ce lycée pourri. Il y a ceux qui sont tout, sauf hétéro et le font bien savoir, je n'ai jamais vu autant d'élèves en chaleur. Ne savent-ils pas se tenir ? Je connais à peu près leur nom, et avec qui ils sont en couple. Même si ma sexualité n'est pas encore définie, je ne préfère pas devenir aussi superficielle et traîner avec un drapeau LGBTQ sur le dos, alors je les évite au maximum.

          Il y a ceux qui fument de tout, sauf de la cigarette, j'en fais d'ailleurs partie. Ils ne sont pas du genre prise de tête, ils veulent juste fumer ce qu'ils veulent sans que personne ne vienne leur chercher des poux dans la tête. Et il y a lui, le petit nouveau qui est arrivé il y a quelques semaines. Enfin petit, pas vraiment, il doit mesurer dans les un mètre soixante-dix, ce qui beaucoup face à mon mètre cinquante. Il porte toujours ce fichu bonnet, à croire qu'il est né avec, ou alors on lui a vissé sur la tête. Il ne quitte jamais son casque non plus d'ailleurs. J'ai pu entendre quelques bribes de ce qu'il écoute, ce qui le fait remonter dans mon estime.

          Je n'ai jamais été de nature très curieuse, mais il m'intrigue. J'ai entendu dire qu'il avait quitté Paris pour venir ici. Franchement, une personne avec tous les neurones en place ne viendra jamais se perdre ici. Je baisse les yeux et reporte mon attention sur le briquet que je tiens en main depuis tout à l'heure. Je n'arrête pas de faire jaillir la flamme, je crois que voir le feu danser m'apaise. J'aimerais être comme lui, danser sans que personne ne me regarde et m'éteindre sans avoir à me justifier. J'aimerais pouvoir être utile, comme ce briquet.

- Putain, fais chier.

Je relève la tête, il s'approche doucement.

- Heu, excuse - moi, Ivy c'est ça ?

Il connaît mon prénom, c'est peut-être un sociopathe ? Un psychopathe ? Je ne sais même pas qu'elle est la différence putain.

- Ne fais pas cette tête, tout le monde connaît ton prénom et ta réputation ici.

Argh, cette conversation commence mal. Je me racle la gorge, et fidèle à moi - même...

- Qu'est-ce que tu veux ?

Merde, mais pourquoi je suis sur la défensive comme ça ?

Tu pourrais me passer ton briquet s'te plaît ? Le mien à lâché.

J'avoue que le fait qu'il ne se formalise pas de ma grumpy attitude me plaît beaucoup. Je lui tends mon bien. Il regarde derrière nous.

- Sérieusement, ils sont obligés de se trimballer avec leur drapeau à la con ? Tout le monde s'en branle.

- T'as un problème avec les homos ? Ou les LGBT en général ?

Il a un rire soufflé, comme s'il se moquait bien de ce dont je pourrais l'accuser.

- Ça ne risque pas non, mais je ne comprends pas le délire de vouloir s'afficher c'est tout. Merci pour le briquet.

Il me le rend, et je reste penaude, le bras ballant. Je ne pensais pas pouvoir trouver plus désagréable que moi, mais j'ai touché le jackpot.

- Alors, t'as trouvé un nouveau passe - temps ? J'avoue que je ne le laisserai pas dormir dans ma baignoire.

- T'as pas de baignoire Klora.

Elle s'assoit à côté de moi sur le trottoir face à ceux qui se dandinent sur du Keen'v en faisant voler leurs drapeaux au-dessus d'eux. Une fierté selon eux.

- Comment tu m'as retrouvée ?

- C'était simple, on trouve une camé avec les camés non ? dit-elle.

Je ne sais pas si je suis dérangée par ses propos ou seulement par sa présence.

- Viens - en au fait. Qu'est ce que tu me veux ?

- J'aimerais qu'on discute de tout ça et qu'on arrange les choses.

Mon rire franc attire le regard du bel inconnu au bonnet. La jolie brune est gênée, elle déteste attirer l'attention.

- C'est mort, va voir ailleurs.

Je jette mon mégot juste à côté de sa chaussure, et traverse le portail sans regarder derrière moi, la laissant en plan, sans un regret.

The Shadow of Myself🕷️(𝐋𝐞𝐬 𝐦𝐢𝐫𝐚𝐠𝐞𝐬 𝐝𝐞 𝐥'𝐚̂𝐦𝐞||tome1)Où les histoires vivent. Découvrez maintenant