Chapitre 16 - Yaël

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Certains appelleront ça une fuite, moi, j'appelle ça de la sauvegarde.

J'avais besoin de changer, mais impossible de le faire sans partir.

Je n'ai jamais rien regretté de ma vie d'avant à part peut-être une seule chose. Mais est ce que ça aurait changé quoi que ce soit si j'étais resté ?

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Je ne sais pas à quel âge remontent généralement les premiers souvenirs.

Moi, j'avais quatre ans. Je ne me souviens pas de grand-chose de ce jour-là à part sa fin.

Ma sœur en pleurs au pied de sa balançoire, ma mère avec elle occupée à la consoler, moi installé un peu plus loin sur ma petite table de jardin avec mes cahiers d'écriture et mon père en train de me hurler dessus.

Ma sœur était tombée et c'était ma faute. Je ne me souviens pas l'avoir poussé, l'avoir distrait ou quoi que ce soit. J'étais juste là, pas loin, quand elle est tombée et pour mes parents, c'était visiblement suffisant pour que je sois en tort.

Est ce qu'après ça je me souviens d'un moment heureux avec mes parents ? Pas vraiment...

Ils ont toujours voulu une vie parfaite, avec un mariage parfait, une maison parfaite, un enfant parfait. On les a élevés avec pour but d'atteindre l'excellence, but qu'ils ont cherché à obtenir par tous les moyens et qu'ils ont caressé du doigt avant ma naissance.

Je suis une tache dans leur vie parfaite, ce ne sont pas mes mots, mais les leurs.

Ma mère Marie-Caroline Lauren-Angélique Langlois-Morel est une violoniste renommée qui a voyagé dans le monde entier pour donner des concerts devant les plus grandes célébrités de ce monde.

Mon père, Charles-Edouard Langlois-Morel, est quant à lui un avocat réputé et craint, qui se targue de n'avoir jamais perdu une seule affaire, et de pouvoir mettre à terre les plus grands adversaires.

Après avoir réussi individuellement, ils ont décidé de se marier et de fonder une famille.

Ils espéraient un enfant, un seul, qu'ils pourraient modeler à leur image, mais le destin leur a donné des jumeaux.

Ils en ont pris leur parti et se sont préparés à créer deux enfants parfaits au lieu d'un, jusqu'au jour, peut-être, où j'ai ouvert grand les yeux.

J'ai retrouvé quelques photos des mois qui ont suivi notre naissance, où on me voit dans les bras de ma mère ou de mon père.

C'était avant qu'ils ne découvrent que leur fils était dès lors déjà imparfait.

Lorsque après quelques mois mes yeux ont pris leur teinte définitive, il a été visible pour tous qu'ils n'étaient pas tous les deux de la même couleur.

Des yeux d'une couleur différente, un détail pour certain, une tare horrible pour mes parents.

À ce défaut vient s'ajouter mes cheveux qui contrairement aux leurs se regroupaient en une myriade de boucles indisciplinées et indisciplinables.

Puis ce fut mon manque de talent en sport, et puis encore ma timidité qui les poussèrent tour à tour à me voir comme un parfait échec.

Mes notes n'étaient jamais assez bonnes, mes morceaux au piano jamais assez maîtrisés, ma façon de me tenir pas assez droite... Rien n'allait chez moi.

Et le fait qu'en parallèle ma sœur semblait réussir tout ce qu'elle entreprenait ne faisait que minimiser le peu de chose que je faisais suffisamment correctement pour satisfaire mes parents.

À cœurs dissimulésOù les histoires vivent. Découvrez maintenant