Chapitre 3 - Youssef

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J'ai du mal à croire que j'ai une famille à moi. Tout est allé tellement vite que ça me paraît par moment bien irréel.

J'adore le sourire et les babillements de mon fils, mais tout l'amour que j'ai pour lui ne semble pas suffire à faire de nous trois une famille et j'ai peur que les choses n'aillent pas en s'améliorant.

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Karim a maintenant quatre mois et quand bien même, je n'ai jamais désiré cet enfant, il a immédiatement trouvé une place dans mon cœur. Je n'imagine déjà plus la vie sans lui et ce même si notre situation n'est pas des plus enviables.

Je travaille autant que je peux pour gagner suffisamment d'argent pour nous faire vivre, et donc je suis bien souvent exténué en rentrant à la maison. Malheureusement, à l'âge qu'il a, mon fils se fiche bien de mon état de fatigue.

J'ai décidé de prendre sur moi, convaincu que ça ira de mieux en mieux à mesure qu'il grandira. Cette philosophie de vie n'est cependant pas partagée par tous.

Plus le temps passe et moins Emma-Linh semble s'intéresser à notre fils.

Je sais que contrairement à ce qu'on nous raconte depuis tout petit, tous les parents n'aiment pas forcément leur enfant, mais j'ai le cœur endolori rien qu'à l'idée que ça puisse être le cas ici.

Je me doute que je suis dans le déni, mais je préfère prétendre que ce n'est qu'une question de temps et que celle qui est maintenant ma femme finira forcément par aimer notre fils.

Il n'y a pas eu de cérémonie de mariage, juste un tour à la mairie. Impossible au vu des prix des billets de faire venir mes parents en métropole pour célébrer cet événement avec nous.

Yann et Lee-Il ont tout de même souhaité nous traîner dans un bar après la cérémonie officielle pour fêter ça avec une coupe de champagne pour nous trois et un cocktail sans alcool pour Emma-Linh, grossesse oblige. Même si, tout comme moi, nos deux amis ont fait de leur mieux pour paraître aussi enjoué que possible face à la situation, il n'a pu échapper à personne que le cœur n'y était pas.

En baissant la tête, mon regard se pose sur Karim qui est endormi à côté de moi sur mon lit. Il est si petit et si fragile. J'ai du mal à me dire qu'un jour, il sera un adulte à son tour.

Il grimace, comme dérangé par son rêve, et je pose ma main sur son ventre pour doucement le bercer en lui chantant une berceuse que ma mère me chantait petit, et il paraît se calmer.

On frappe à la porte de l'appartement. Je me lève aussi silencieusement que possible et me faufile jusqu'à l'entrée. C'est Lee-Il que je trouve de l'autre côté de la porte.

Ce n'est clairement pas la première fois que je la revois depuis cette nuit-là, mais je crois bien que c'est la première fois en tête-à-tête. D'habitude, elle est toujours avec Yann, et quand ce n'est pas le cas, c'est Emma-Linh qui est avec moi lors de nos rencontres. Cette fois Yann n'est pas là et Emma-Linh est de sortie.

"- J'espère que je n'ai pas réveillé Karim...

- Non, ne t'en fait pas, il dort profondément.

- Je suis venu récupérer un livre que j'avais prêté à Emma-Linh y a quelque temps."

Je me tourne vers la chambre de celle qui est maintenant ma femme. Je me doute que le livre en question s'y trouve, s'il était resté dans la pièce principale, je l'aurai forcément remarqué or ça ne me dit rien.

Mon absence de réponse immédiate ainsi que le silence dans l'appartement suffit à Lee-Il pour comprendre que je suis seul avec Karim.

"- Si tu préfères, je peux repasser quand Emma-Linh est là...

À cœurs dissimulésOù les histoires vivent. Découvrez maintenant