Si seulement j'avais pu avorter sans risquer de me retrouver marié de force à un homme choisi par mes parents. C'est leur faute si j'en suis là maintenant avec un enfant dont je ne voulais pas et qui m'insupporte au plus haut point.
Seul point positif s'il en est, Karim est aux petits soins avec moi. Mais est-ce que ça suffira à me faire oublier que j'ai perdu toute liberté ?
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J'ai de plus en plus de mal à supporter leur présence. Comme chaque soir, Youssef cuisine en me demandant comment s'est passé ma journée. Comme à chaque fois, je marmonne quelques mots afin de satisfaire sa curiosité puis je fais mine de me concentrer sur mes cours. Quand c'est l'heure de passer à table, il me raconte sa journée et je fais une nouvelle fois semblant d'être intéressée et de l'écouter, mais mon esprit s'évade loin de ce minuscule appartement.
Pour rajouter de l'huile sur le feu, Karim est intenable, il court dans tous les sens, réclame tout le temps de l'attention, et s'agrippe à tout ce qui lui passe sous la main. J'ai envie de l'envoyer valser loin de moi.
Sans prévenir, Karim pose sa main sur la mienne et par réflexe, je la retire. Il me fixe avec étonnement. Je marmonne quelques mots et je quitte la table en récupérant mes affaires.
J'ai envie de me réfugier dans ma chambre, mais depuis que je dors dans le même lit que Youssef, Karim a investi celle que j'occupais précédemment. Il ne me reste plus comme possibilité que de m'enfermer dans cette pièce que je partage avec Youssef en espérant qu'il me rejoigne le plus tard possible.
Je n'arrive pas à me concentrer sur mes cours, chaque bruit derrière cette porte me dérange. J'ai l'impression que Youssef risque de me rejoindre dans le lit à chaque instant et j'en frissonne.
Voyant l'heure défiler, je préfère limiter les risques et je range mes affaires avant de m'installer sous les draps, dos tourné à la porte.
Je ne suis toujours pas endormie quand Youssef entre finalement dans la chambre.
"- Emma-Linh... ? Ça va ? Tu as l'air crispée..."
Tout en me questionnant à voix basse, il s'installe auprès de moi. Je ne bouge pas, priant pour un miracle qui je le sais n'arrivera jamais.
"- Tu dors ?"
Il pose sa main sur mon épaule et je bondit en le repoussant de toutes mes forces.
Il tombe à terre, puis lève les yeux vers moi et me fixe avec un mélange d'étonnement et d'inquiétude. Je n'ai aucune envie de lui expliquer ma réaction et encore moins envie de m'excuser, c'est sa faute, aucunement la mienne.
"- Je vais aller dormir avec Karim." Marmonne-t-il en se levant.
Il quitte la pièce et même si je me sens moins agressé maintenant qu'il n'est plus là, je n'arrive pas à me calmer.
J'entends sa voix à travers les murs fins de l'appartement. Pourquoi faut-il qu'il parle avec Karim? J'ai envie de lui hurler, de se taire. Je ne veux plus les entendre, ni l'un ni l'autre.
J'agrippe mon oreiller et la plaque du mieux que je peux contre mes oreilles pour étouffer le moindre son. Il me faut presque une heure pour m'endormir. Mon sommeil est agité et ma nuit courte.
Même s'il est tôt à mon réveil, Youssef est déjà parti de l'appartement et a emporté Karim avec lui.
J'inspire profondément et savoure le calme de cet instant.
Je rejoins la cuisine pour me servir un café. Ne trouvant pas ma tasse préférée dans le placard, je me tourne vers l'égouttoir. Elle est là, sous une nuée de biberons et de tétines en train de sécher. Je les attrape et les envois valser au sol. Toute ma vie semble étouffée par la présence de cet enfant, même ma vaisselle ne semble plus à l'abri.
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À cœurs dissimulés
Fiksi UmumKarim et Yaël ont tous les deux été esquintés par la vie, mais alors que l'un a décidé de se renfermer et de s'éloigner de tous, l'autre a entrepris de se cacher derrière une barrière de faux semblants. Après des années sans se voir, voilà que leurs...